Cerné et désavoué, Bernard Laporte démissionne de la présidence de la fédération française

Marcoussis (France), 27 jan 2023 (AFP) – Cerné par les affaires et désavoué par les clubs, Bernard Laporte, figure centrale du rugby français depuis plus de 20 ans, a démissionné vendredi de la présidence de la fédération (FFR), à sept mois du Mondial qui se déroulera en France.

Son départ a été annoncé peu avant 10h00 par la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, aux médias, dont l’AFP, présents devant le siège de la FFR à Marcoussis, près de Paris, en marge d’un comité directeur de la Fédération.

Dans un message publié sur son compte Facebook, Bernard Laporte a expliqué sa démission par le fait que « la famille du rugby français a besoin d’unité et de rassemblement ». « Nous devons tout faire pour réussir les prochaines échéances sportives. Il n’y a pas de plus grande priorité à mes yeux », a-t-il ajouté.

Depuis sa condamnation le mois dernier à deux ans de prison avec sursis pour corruption, la ministre des Sports poussait vers la sortie cet animal politique qui a occupé ce même poste au gouvernement entre 2007 et 2009, après avoir été sélectionneur des Bleus (2000-2007) et avant de s’emparer de la présidence de la Fédération fin 2016.

A la mi-journée à Marcoussis, les membres de la majorité au comité directeur ont répété à la presse qu’ils ne comptaient pas pour leur part démissionner, estimant « n’avoir rien à se reprocher ».

« J’ai la tête haute », a affirmé Alain Doucet, le président de la Ligue Occitanie. « Ce qu’a fait Bernard n’a rien à avoir avec la Fédération et le travail fourni depuis six ans », a soutenu Sandrine Romagné, à la tête de la Ligue Normandie.

A contrario, les neuf membres de l’opposition ainsi que les deux représentants de la Ligue nationale de rugby (LNR) – son président René Bouscatel et celui du Stade toulousain, Didier Lacroix -, ont annoncé leur démission, suivant en cela le « conseil » qu’avait donné la ministre en sortant de la réunion.

– « Hold-up » –

Amélie Oudéa-Castéra avait en effet estimé que la piste qui « semblait la plus claire, la plus nette, la plus légitime et aussi la plus rapide (…), (c’était) la voie d’une démission du comité directeur » dans sa totalité.

Une telle décision aurait eu pour conséquence la tenue d’élections générales dans un délai de six semaines.

« On ne peut pas cautionner ce hold-up, cette manière de faire qui est une espèce de diktat sur le rugby français », a affirmé aux journalistes Florian Grill, tête de liste de l’opposition, tandis que dans un communiqué, la LNR a invoqué la « voie de la sagesse » pour justifier la démission de ses deux représentants.

Dès lors, que va-t-il se passer ?

Selon le directeur général de la FFR Laurent Gabbanini, un nouveau bureau fédéral se réunira « certainement mercredi » afin de « prendre acte de l’ensemble des démissions des membres du comité directeur » et de proposer un candidat, issu de ses rangs, au poste de président par intérim de la FFR jusqu’à la prochaine assemblée générale, prévue en juin à Lille.

Ce candidat sera ensuite proposé vendredi prochain aux votes du comité directeur, faisant dire à Alain Doucet: « Comme ça, on pourra aller en Italie (pour le premier match du Tournoi des six nations des Bleus à Rome le 5 février, NDLR) avec un vrai président ». Le trésorier général de la FFR, Alexandre Martinez, pourrait être celui-ci.

La démission de Bernard Laporte a été annoncée alors que le comité directeur devait tirer les conclusions du vote organisé cette semaine auprès des quelque 1.500 clubs de rugby français.

Ceux-ci ont dit « non » à 51,06% des votants à la désignation de Patrick Buisson, un proche de Bernard Laporte, comme président-délégué.

– Garde à vue –

Bernard Laporte a été condamné le 13 décembre à deux ans de prison avec sursis pour avoir noué un « pacte de corruption » avec l’homme d’affaires et président du club de Montpellier, Mohed Altrad.

Puisqu’il a fait appel de la décision, sa peine, assortie d’une interdiction d’exercer son activité de président de la FFR, n’était pas immédiatement exécutoire.

L’ancien sélectionneur des Bleus avait donc refusé de démissionner mais accepté, sous la pression conjointe de la ministre des Sports, de la LNR et du comité d’éthique de la FFR, de se mettre en retrait derrière un président délégué jusqu’au procès en appel, qui ne devrait intervenir qu’après le Mondial-2023 (8 septembre – 28 octobre).

Mais sa position avait été encore fragilisée par son placement en garde à vue pendant quelques heures mardi dans une affaire de blanchiment de fraude fiscale aggravée. Même s’il en est ressorti libre sans poursuite à ce stade.

© 2022 AFP

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