Larrivière-Saint-Savin (France), 29 mai 2023 (AFP) – Quatre vitraux mêlant la Vierge à des scènes de jeu éclairent la chapelle Notre-Dame-du-Rugby, un lieu de pèlerinage en France où est donnée chaque Pentecôte, au milieu de maillots du monde entier, une messe en l’honneur des disparus de la grande famille du rugby.
Sur le parvis de l’édifice aux murs de pierres, perché au sommet d’une colline aux pentes abruptes, l’abbé Gilbert Lavigne se prête sous un soleil perçant à une bénédiction particulière: le trophée du prochain championnat du monde militaire de rugby.
« Marie, fais en sorte que le vent soit dans le bon sens pour guider le ballon entre les barres », déclame-t-il, à la fois solennel et facétieux, face à la centaine de personnes venues assister à l’office à Larrivière-Saint-Savin, petit village des Landes près de Mont-de-Marsan (sud-ouest).
Parmi eux, au premier rang, Jean-Louis Bérot est venu honorer la mémoire d’un autre illustre Landais du XV de France des années 1960-1970, Benoît Dauga, décédé en novembre dernier à l’âge de 80 ans.
« Ça fait presque 20 ans que j’ai plaisir à venir ici. Malheureusement, nous sommes de moins en moins au fil des années. C’est cruel, c’est la vie… », dit à l’AFP l’élégant septuagénaire à l’épaisse chevelure blanche.
– « Valeurs communes » –
Lorsqu’il jouait demi de mêlée ou ouvreur au Stade toulousain et à Dax, la religion restait le plus souvent à la porte du vestiaire.
« On ne se signait pas, par pudeur, en entrant sur le terrain, comme peuvent le faire les Sud-Américains. Mais ça n’empêchait pas de prier intérieurement », raconte-t-il. « Je me souviens d’un dirigeant, Claude Dufau, qui avait toujours dans son blazer une Vierge d’eau bénite qu’il versait sur le terrain avant les matches ».
A Larrivière-Saint-Savin, sur les bords de l’Adour, le rugby et la religion sont étroitement liés depuis que l’abbé Michel Devert a décidé de dédier la chapelle locale au sport-roi du Sud-Ouest après la mort, en 1964, de trois jeunes joueurs landais dans un accident de voiture.
« On y retrouve des valeurs communes, comme la complémentarité, l’unité, la solidarité… Au rugby, le chacun pour soi n’a pas sa place et c’est quelque chose qu’il peut nous apporter, à tous, dans une société de plus en plus cloisonnée », témoigne l’abbé Lavigne.
Le maillot toulousain d’Antoine Dupont, capitaine des Bleus, dépasse de la robe de l’enfant de choeur qui l’assiste dans cette messe à part, célébrée chaque lundi de Pentecôte.
– Cyclisme et courses landaises –
La chapelle est elle ouverte tout au long de l’année aux amateurs de rugby qui viennent s’y recueillir entourés de photos d’équipes, de ballons ovales, de cravates ou de maillots laissés au gré des passages.
La collection a tellement grossi depuis les années 1960 qu’une salle d’exposition a été installée un peu plus loin pour mieux la présenter aux visiteurs, venus parfois de loin.
« Surtout les années de Coupe du monde », relève Michel Réchède, nouveau président de l’association des amis de Notre-Dame-du-Rugby, à l’approche de la compétition, organisée en France du 8 septembre au 28 octobre. « Ça attire tous types de public, pas seulement des catholiques ».
« C’est presque plus connu à l’extérieur que localement », s’étonne-t-il. « Je suis tombé récemment au café sur deux couples d’Argentins venus grâce au bouche-à-oreille ».
Le département abrite deux autres chapelles dédiées au sport — le cyclisme à Labastide-d’Armagnac et les courses landaises à Bascons — et une Notre-Dame-de-l’Ovalie existe également à Rocamadour, dans le Lot, un autre département français où le rugby est roi.
« La chapelle participe au rayonnement du village », apprécie le maire de Larrivière-Saint-Savin, Christophe Larrose. « On n’a pas de bus en permanence, le rugby reste une niche, mais il y a au moins tous les jours quelqu’un qui passe ».
Son village, de 615 habitants, n’a paradoxalement pas de club de rugby, mais on y joue au basket. Une autre religion locale.
© 2022 AFP
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