Avec André Boniface, indissociable de son petit frère Guy, mort à 30 ans, c’est une fratrie mythique du rugby français qui s’éteint, un duo de centres qui fit les grandes heures de Mont-de-Marsan et des Bleus, dans le temps « Boni » des années 1960.
Inséparables, André et Guy Boniface étaient « jumeaux à la ville » et « siamois sur le terrain », écrivait leur complice, l’écrivain Antoine Blondin, jusqu’à l’accident de la route fatal à Guy aux premières heures de l’année 1968, un 1er janvier de malheur sur une route des Landes. « La seule cicatrice dans ma vie », soupirait en 2016, dans les colonnes de L’Equipe, André, mort lundi à 89 ans.
Né le 14 août 1934, il a connu une vie de succès avec le XV de France et son club de (presque) toujours Mont-de-Marsan, remportant 4 Tournois des cinq nations (1954, 1955, 1959 et 1962), en 48 sélections d’une histoire agitée avec le maillot bleu, et le seul Bouclier de Brennus du Stade montois (1963).
Voilà pour les chiffres, éloquents. Mais plus encore, esthètes, les frères Boniface incarnaient une certaine idée du (beau) jeu, une inventivité de tous les diables, une ode à la liberté de mouvement. En deux mots le « French flair », expression venue d’une Angleterre, fait rare, un brin envieuse, dans les sixties, aux dernières heures de l’amateurisme du XV français.
Et une fidélité au maillot jaune et noir de Mont-de-Marsan, qu’André, l’aîné, a rejoint après quelques matches seulement disputés avec Dax et que les « Boni » hisseront jusqu’au graal: l’unique Bouclier en 1963, face… au voisin ennemi dacquois, après deux finales perdues en 1953 et 1959.
« Ce que nous recherchions, c’était le jeu de ligne, décryptait l’aîné des Boniface dans Le Monde en 1999. Avant d’en arriver là, il fallait un énorme travail. Le style ne venait que du travail, pas du hasard. La passe, par exemple, était une préoccupation quotidienne, comme les gammes du pianiste. »
– « Mythologie » –
« Il nous arrivait de passer des heures à faire et refaire des mouvements, des combinaisons sur un coin de table avec des verres, des salières, tout ce qui nous tombait sous la main », racontait celui qui faisait partie de la première équipe de France victorieuse des All Blacks (3-0) en 1954.
Malgré son aura, la paire de centres, André le N.12 et Guy le N.13, sera peu associée en équipe de France. Même pas une vingtaine rencontres disputées ensemble (17).
Le cas des « Boni » divise alors l’ovalie. Peu appréciés des caciques du rugby français, André et Guy, ont leurs appuis dans la presse avec Denis Lalanne et donc Antoine Blondin pour qui « l’association de ces deux frères semble relever de la mythologie ».
Et leur histoire orageuse avec le XV de France de connaître son épilogue en 1966, après une défaite 9-8 contre le pays de Galles qui priva les Bleus d’une victoire dans le Tournoi, la première qu’auraient pu partager ensemble les deux frères.
Une passe en cloche de Jean Gachassin, destinée à André, a été interceptée par le Gallois Stuart Watkins qui a ensuite filé jusqu’à l’en-but. De quoi assommer les Français qui menaient 8-6 à quelques minutes de la fin de rencontre – un essai valait alors trois points.
« Virer trois joueurs après une passe interceptée, c’est unique. En fait, ça n’avait rien à voir avec la passe », déplorait, amer, André Boniface dans l’Equipe en 2016. « C’était un ras-le-bol des sélectionneurs à notre égard. Ils ne nous supportaient plus. Mon allure, ma personnalité les a beaucoup dérangés. Mon franc-parler aussi. »
© 2024 AFP
Nous avons besoin de vous ! Si vous avez apprécié cet article, vous pouvez nous soutenir (c’est gratuit) en nous ajoutant à vos favoris sur Google News.
Cliquez ici pour le faire maintenant.