Confrontés aux blessures, soumis au stress, peu enclins à évoquer leur anxiété: les rugbymen professionnels sont nombreux à souffrir de dépression, un fléau que la Ligue nationale de rugby entend combattre avec un plan d’action pour mieux déceler, traiter et prévenir cette pathologie.
« Les joueurs de rugby ne s’autorisent pas toujours à partager leurs doutes et leurs angoisses, alors même que la pression du sport de haut niveau s’intensifie », a résumé lundi le président de la commission médicale de la LNR Max Lafargue, lors de la présentation de ce programme de prévention, partie intégrante du plan stratégique 2023-27 de la LNR.
Ce tabou peut « conduire à des pratiques addictives et des souffrances psychologiques », a regretté le Dr Lafargue, le président de la Ligue évoquant de son côté un « axe très fort et prioritaire », tant, ces dernières années, les prises de parole de joueurs touchés par des problèmes de santé mentale se sont multipliées.
En février 2022, le talonneur de Toulon Christopher Tolofua a confié avoir « développé une forme de dépression » après une rupture des ligaments croisés. Quelques mois plus tard, c’est le pilier droit du Stade français Paul Alo-Emile qui évoquait une « lourde dépression » qui l’a tenu éloigné des terrains pendant six mois.
– Briser le silence –
Si ces deux joueurs, à l’image de Pascal Papé ou Mathieu Bastareaud, ont réussi à briser le silence autour de leurs problèmes psychologiques, certains n’y sont pas parvenus.
En janvier 2022, le demi d’ouverture de Rouen Jordan Michallet s’est suicidé à l’âge de 29 ans. En mars 2022, sa femme Noélie Michallet a appelé à un meilleur accompagnement psychologique des joueurs de rugby « pour prévenir ce genre de drames », regrettant que de nombreux joueurs n’osent pas parler de leur problèmes psychologiques.
Pour y parvenir, le plan de la LNR vise à faciliter « la détection et l’évaluation des risques », à « mieux identifier et orienter les personnes en difficulté » et à « mettre en place des dispositifs de prévention ».
« Personnellement, c’est une approche qui me tient vraiment à coeur », a déclaré lors de la présentation du plan Mathieu Giudicelli, directeur général de Provale, le syndicat des joueurs de rugby: victime d’une double hernie lombaire après une mêlée en mars 2018, l’ancien pilier de Biarritz avait lui-même traversé « des moments assez compliqués » après avoir été contraint de mettre brutalement un terme à sa carrière.
Depuis son arrivée à Provale en 2019, Giudicelli a accompagné plus d’une centaine de joueurs souffrant de problèmes psychologiques avant de collaborer avec la LNR à l’élaboration du plan: « Pour moi, ce n’était pas possible qu’un joueur puisse connaitre ce que j’avais connu », a-t-il expliqué.
– « Un espace d’expression » –
Parmi les six mesures prévues dans ce plan, une ligne téléphonique permettant aux médecins des clubs d’interagir très rapidement avec un psychologue référent a été mise en service lundi.
Suivront notamment début 2024 la mise en place d’un protocole harmonisé permettant aux médecins des clubs de réaliser des bilans psychologiques, ainsi que le déploiement d’actions de prévention auprès des joueurs et des staffs.
« L’idée est d’être en capacité d’offrir un espace d’expression où les joueurs pourront verbaliser cette angoisse, ce mal-être », a complété Sylvain Blanchard, directeur médical du Racing 92 et membre de la commission santé de la LNR.
Jusqu’à maintenant, « on n’était pas en capacité de capter les choses, ou en tout cas de manière très hétérogène d’un club à l’autre », a-t-il déploré.
L’international français Grégory Aldritt y voit une évolution « très importante » dans l’accompagnement des joueurs.
« Je n’y ai pas été confronté directement (aux problèmes psychologiques) mais on sait que c’est présent. Il faut aider tous les clubs et la démarche est très bonne », a estimé celui qui a convenu avec son club de ne pas rejouer avant début 2024 pour se régénérer tant physiquement que mentalement à l’issue du Mondial.
© 2023 AFP
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