Le pardon, il connaît. L’ailier Mark Tele’a, écarté pour problèmes disciplinaires avant le choc face à l’Irlande, a surmonté un drame familial pour devenir une pièce maîtresse de la Nouvelle-Zélande qui affronte l’Afrique du Sud, samedi, en finale de la Coupe du monde.
Tele’a (26 ans, 8 sélections) a commencé le Mondial-2023 en boulet de canon avec un doublé qui a failli faire mal aux Bleus (défaite des All Blacks 27-13) lors du match d’ouverture. Un peu plus d’un mois plus tard, le feu follet a pourtant raté le quart de finale grandiose face aux N.1 mondiaux d’alors, les Irlandais (victoire 28-24).
Sanctionné pour avoir enfreint le couvre-feu instauré par l’encadrement néo-zélandais, le joueur des Blues, la franchise de Super Rugby d’Auckland, a livré ensuite une prestation magistrale devant l’Argentine (44-6), en demie, pour faire oublier ses tracas.
Doté d’une grâce féline qui le rend insaisissable, Tele’a devrait être à nouveau titulaire à l’aile gauche, samedi, laissant le flanc droit au marqueur prolifique Will Jordan, qui s’est fendu de huit essais dans cette édition du Mondial pour égaler le record détenu notamment par le fabuleux néo-zélandais Jonah Lomu et le Sud-Africain Bryan Habana.
La finale face aux Springboks sera forcément particulière pour Tele’a: enfant, il était fan de la légende Habana et son père Maleko est né en Afrique du Sud.
Personnage discret en dehors des terrains, le solide ailier (1,86 m, 94 kg) a en outre dû surmonter la mort tragique d’un de ses vingt-trois frères et soeurs, Jerico, il y a quatre ans, tué lors d’une agression.
– « très secret » –
Malgré la crise cardiaque de la mère, Tuala, la famille Tele’a a pardonné au coupable, ivre au moment des faits. « Vous avez fait l’expérience non seulement du chagrin de sa famille mais aussi de la mansuétude de leur pardon », a déclaré le juge au coupable, qui s’était soumis au rituel tongien du pardon de l’Ifoga et a pu éviter la prison.
Le All Black n’est pas du genre à parler de cette perte et préfère préserver sa vie privée.
« Je suis quelqu’un de très secret et j’aimerais que ça reste ainsi: je n’ai pas de réseaux sociaux, je préfère ça », a expliqué l’intéressé à la chaîne néo-zélandaise 1News avant d’admettre que, quand on « grandit dans une famille nombreuse, on apprend l’amour très tôt. »
Car Tele’a, qui n’a connu sa première sélection qu’en novembre 2022, a dû se battre pour atteindre le très haut niveau.
Avant d’enfiler le mythique maillot noir à la fougère, l’ailier aux appuis de feu a dû concilier le plaisir de jouer au rugby et celui de gagner sa vie grâce à la fabrication de filtres pour piscines thermales.
– « Leader » à Auckland –
« Vous vous réveillez à quatre heures du matin, vous prenez la voiture et vous allez à l’entraînement. Ensuite, vous prenez une douche et vous retournez directement au travail. Tous les jours, de manière répétée. Ca développe votre résistance mentale », a-t-il raconté.
Il a ainsi dû attendre 2020 pour décrocher un contrat avec les Blues. « Les premières années, il n’a pas dit un mot mais, depuis, il est devenu un leader au sein de l’équipe. Il parle franchement », assure l’entraîneur adjoint des Blues Dan Halangahu.
« C’est un travailleur et il a le talent nécessaire pour aller loin. Je l’ai vu grandir sur le terrain et en dehors. Il est déjà l’un des meilleurs ailiers, voire le meilleur, et il continue de s’améliorer », a estimé de son côté, le troisième ligne Dalton Papali’i, son partenaire avec les Blues et en sélection.
L’Afrique du Sud est prévenue: rien n’arrête Mark Tele’a.