Jouera, jouera pas les quarts du Mondial? La France du rugby est suspendue depuis deux semaines à l’évolution de la blessure au visage du capitaine des Bleus Antoine Dupont et fait un peu mieux connaissance avec la chirurgie maxillo-faciale, une spécialité médicale relativement méconnue.

Le hasard a voulu que le congrès annuel de la Société française de stomatologie, chirurgie maxillo-faciale et chirurgie orale se tienne cette semaine à Toulouse.

Dans la capitale du rugby, où le professeur Frédéric Lauwers, président de cette société, a opéré le 22 septembre le demi de mêlée international du Stade toulousain, victime la veille d’une fracture maxillo-zygomatique lors d’un match contre la Namibie. 

Alors, entre conférences et ateliers sur la féminisation faciale ou la marsupialisation du conduit submandibulaire, il est forcément un peu question de ballon ovale parmi les centaines de spécialistes réunis depuis mercredi au centre des congrès Pierre-Baudis.

« Le trauma d’Antoine Dupont a permis de mettre un peu plus à l’honneur et en valeur notre spécialité », dit à l’AFP le docteur Céline Dekeister, qui évolue dans le même service toulousain que le Pr Lauwers, un praticien « internationalement reconnu ».

Située « au carrefour de nombreuses spécialités » (ORL, ophtalmologie, chirurgie plastique…), la chirurgie maxillo-faciale, reconnaît-elle, est « un peu intimiste » et « pas très connue », du fait notamment de son histoire assez récente.

Elle a commencé à se structurer avec les « gueules cassées » de la Première Guerre mondiale. Ces soldats défigurés auxquels il fallait redonner un visage, remplacés aujourd’hui dans les blocs opératoires par différents types d’accidentés.

« Quand j’ai commencé l’internat, il y a plus de 25 ans, c’était avant tout les accidents de voiture. Il n’y avait pas encore les pare-brises qui s’émiettent », se souvient le Dr Dekeister.

Rixes et agressions lui fournissent désormais le gros de son travail, devant le sport – principalement le rugby à Toulouse – et les accidents de la route, de trottinette et de vélo.

– Une « fracture banale » –

« La traumatologie est l’essence de notre métier, nous sommes nés avec les gueules cassées, mais elle n’en représente qu’une partie », souligne le docteur Hélios Bertin, du CHU de Nantes. 

« La cancérologie, la chirurgie plastique, la stomatologie… », égrène-t-il, sont d’autres composantes d’une spécialité déjà mise en lumière, avant Dupont, par les attentats de Paris de novembre 2015, à travers notamment la chirurgienne Chloé Bertolus, personnage central du livre « Le Lambeau » de Philippe Lançon.

« La fracture, banale, d’un joueur de rugby ne présente à nos yeux aucun intérêt particulier », tranche le professeur Bernard Devauchelle. « Beaucoup d’autres sujets d’actualité, comme le harcèlement que peuvent subir des jeunes porteurs de disgrâces du visage, nous semblent beaucoup plus importants que la fracture du zygoma de Monsieur Dupont ».

Cette figure de la spécialité a conduit en 2005 au centre hospitalier d’Amiens la première greffe partielle du visage (nez, lèvres, menton) au monde sur une femme défigurée par son chien.

« Le visage est la partie de notre corps qui est exposée au regard de l’autre », témoigne le professeur. « Il peut être mal formé, traumatisé, disgracieux, porteur de tumeurs… Il a en plus la spécificité de concentrer les organes sensoriels. C’est ce qui rend cette chirurgie absolument magnifique ».

Du réparateur des « gueules cassées » Hippolyte Morestin au pionnier de la chirurgie cranio-faciale Paul Tessier, la France, rappelle-t-il, a toujours été à la pointe mondialement dans le domaine. Comme Antoine Dupont avec un ballon.

© 2023 AFP

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