Auckland, 6 nov 2022 (AFP) – La demie d’ouverture Caroline Drouin, en ratant samedi à Auckland à la 79e minute une pénalité qui aurait envoyé les Bleues pour la première fois de leur histoire en finale d’un Mondial, a expérimenté la cruauté du poste de buteuse, exigeant et solitaire.
Il ne reste plus qu’une poignée de minutes dans la seconde demi-finale du Mondial, déjà considérée avant même son terme par beaucoup comme l’un des plus beaux matches du rugby féminin, et la Nouvelle-Zélande mène 25-24. L’arbitre Joy Neville adresse un carton jaune à Santo Taumata, coupable d’un plaquage haut sur Agathe Sochat.
Pénalité: que faire? Taper en touche ou la tenter? La capitaine des Bleues Gaëlle Hermet désigne à l’arbitre les « perches ». On est à 35 mètres des poteaux, légèrement décalé vers la droite.
Caroline Drouin s’avance et tire: le coup de pied, trop court, part vers la gauche. Raté. L’Eden Park et les « Black Ferns », championnes du monde en titre, exultent de joie et de soulagement.
« On n’en veut surtout pas à +Caro+, elle a assumé cette responsabilité », a insisté dimanche David Ruiz, l’entraîneur-adjoint des Bleues. « Lanceur, buteur: ce sont des postes à haute responsabilité et on ne peut que soutenir sa prise de décision ».
Difficile de reprocher quoi que ce soit à l’ouvreuse, titulaire pour les cinq matches de la France dans ce Mondial, vice-championne olympique de rugby à VII à Tokyo et médaillée de bronze du Mondial-2017, et qui venait, ainsi que ses coéquipières, de « prendre des chars d’assaut dans la figure » en deuxième période, comme l’a raconté Hermet après la rencontre.
– « Turbulences » –
La capitaine des Bleues a d’ailleurs immédiatement remis les choses à leur place lors de la conférence de presse d’après-match.
« Ce que je lui ai dit avant cette pénalité, c’était que, quoi qu’il arrive, on était ensemble jusqu’au bout », a affirmé la troisième ligne. « Le match ne se joue pas là, il ne se gagne pas là forcément, même s’il aurait pu nous permettre de passer devant au score dans les dernières minutes ».
« Peu importe ce qu’il se passe, qu’il y ait des turbulences ou des moments de joie », a- insisté Hermet, avant d’avoir un petit mot pour sa coéquipière: « Ma +Caro+… On est une équipe. C’est elle qui l’a tapée, mais on est ensemble et, quoiqu’il arrive, on sera ensemble jusqu’au bout ».
Un soutien affiché collectivement: « Ce n’est pas de la faute de +Caro+ », a insisté la pilier Annaëlle Deshaye. « Elle nous en met dix la semaine dernière, là elle nous en manque une, on ne peut pas lui en vouloir ».
Le poste de demi d’ouverture peut transformer un joueur en héros, tel l’Anglais Jonny Wilkinson réussissant le drop de la victoire en finale du Mondial-2003 face à l’Australie (20-17 après prolongation).
Ou en « coupable idéal », à l’image de François Trinh-Duc lors de la finale du Mondial-2011, déjà à l’Eden Park face à la Nouvelle-Zélande, qui réalise un match percutant avant de rater une pénalité à la 65e minute (Défaite 8-7).
– « Se relever » –
Dur et injuste donc, comme l’a relevé l’ancien ouvreur des Wallabies, Matt Giteau, sur Twitter: « J’ai de la peine pour la buteuse (Drouin, ndlr) à la fin. Triste façon de perdre ».
Wayne Smith, l’entraîneur des « Black Ferns » et ex-sélectionneur des « All Blacks », qui avait qualifié Drouin durant la semaine de « botteuse la plus offensive du monde », a reconnu la difficulté de sa tâche.
« Ce n’est pas passé loin, il y avait beaucoup de pression. J’ai pensé que oui, probablement, (la pénalité) allait passer », a-t-il affirmé après la rencontre.
Le plus difficile est désormais de rebondir pour la Rennaise de 26 ans (30 sél.): « Se relever et continuer de grandir, a-t-elle écrit sur son compte Instagram. Immense déception pour cette demi-finale! Notre combat et notre engagement n’ont pas suffi à combler nos erreurs (…) Comptez sur cette équipe pour tout donner sur le dernier match ».
Car oui, il reste une médaille de bronze à aller chercher face au Canada, samedi.
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© 2022 AFP
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