Malgré ses exploits, le rugby portugais reste une affaire de famille

L’équipe du Portugal de rugby, dernière qualifiée pour la Coupe du monde et constituée de nombreux joueurs encore amateurs, espère profiter de cette deuxième participation à un Mondial pour développer un sport qui reste confidentiel, voire surtout familial, au pays.

Les Loups (Los Lobos) ont bénéficié d’un invraisemblable concours de circonstances pour se qualifier pour cette Coupe du monde organisée en France, où ils débuteront samedi contre le pays de Galles, dans un pays où vit une importante communauté d’origine portugaise.

Ils ont d’abord bénéficié de la disqualification de l’Espagne (qui avait aligné un joueur non éligible) pour participer à un tournoi de repêchage. Ils ont ensuite remporté ce tournoi au goal average, grâce à un match nul arraché aux Etats-Unis (16-16) dans le temps additionnel.

Même ce parcours incroyable n’a eu que peu d’écho au Portugal, où « l’exploit a été peu reconnu », regrette auprès de l’AFP le président de la Fédération portugaise de rugby, Carlos Amado Silva.

« En termes de visibilité et d’intérêt de la population, la reconnaissance de ce sport n’est pas celle que nous souhaiterions », a-t-il ajouté lors d’un entretien téléphonique alors qu’il se trouvait avec l’équipe dans le camp de base monté à Perpignan, dans le sud de la France.

– « Avalanche » de recrues –

Malgré son statut de Petit Poucet, la sélection lusitanienne espère néanmoins réaliser un deuxième exploit et gagner au moins un match au sein d’un groupe C où elle a été versée avec le pays de Galles, l’Australie, les Fidji et la Géorgie, afin de se qualifier pour la prochaine Coupe du monde en 2027.

« L’objectif sportif c’est d’aller au Mondial en Australie. En interne, c’est de faire connaître le rugby », précise le président, qui espère atteindre les 10.000 licenciés contre près de 7.000 actuellement. Il ajoute toutefois qu’il en faudrait 20 à 30.000 pour permettre à ce sport de franchir un nouveau palier.

Le plus haut responsable du rugby portugais espère une « avalanche » de nouvelles recrues pour les clubs, à l’image de ce qui s’est passé en 2007, lors de la première participation des Loups à une Coupe du monde.

Mais, à la tête du plus important club du pays, le Grupo Desportivo de Direito, son président Luis Filipe Lança de Morais prévient que « certains clubs n’ont toujours pas les infrastructures pour accueillir un éventuel boom » de pratiquants.

Comme il y a 16 ans, le club créé au sein de la faculté de droit de l’université de Lisbonne est le plus représenté dans l’effectif de la sélection, mais le dirigeant avoue que sa professionnalisation reste un objectif lointain.

– « De père en fils » –

Dans ce contexte, le sélectionneur du Portugal, le Français Patrice Lagisquet, a renforcé son effectif en faisant appel à des joueurs professionnels issus de l’immigration portugaise en France.

« Les joueurs du Direito paient pour jouer au rugby », rappelle M. Lança de Morais en précisant tout de même qu’une partie de l’encadrement était déjà rémunérée.

Selon lui, le sport pâtit encore d’un manque de terrains de jeu et d’un manque de visibilité qui n’attire pas les sponsors. « C’est une question culturelle. Malheureusement dans notre pays tout tourne autour du football », déplore ce cousin de Tomaz Morais, sélectionneur du Portugal au Mondial-2007.

Car le rugby dans ce pays peine à s’élargir au-delà d’ »un milieu fermé, un peu élitiste », note le journaliste Antonio Aguilar, référence de la discipline et commentateur des matches diffusés à la télévision. 

« Le rugby est un sport pratiquement familial, qui passe de père en fils ou entre amis », poursuit cet ancien joueur du Direito, dont le fils, également prénommé Antonio, était présent au Mondial-2007.

Autre exemple de cet entre-soi, l’actuel demi d’ouverture des Lobos Jeronimo Portela a vu son père, le centre Miguel Portela, jouer la Coupe du monde d’il y a 16 ans.

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