Coupe du monde : le XV de France, de perdant magnifique à solide favori

Le XV de France, après une décennie noire, ponctuée de défaites encourageantes et de désillusions, aborde le Mondial-2023 avec la casquette de favori: comment les Bleus, désormais craints voire admirés, sont-ils devenus cette formidable machine à gagner ?

Au lendemain de la finale du Mondial-2011, perdue d’un point face aux All Blacks (8-7), l’équipe de France tombe dans un trou noir, malgré la présence dans ses rangs du meilleur joueur du monde, le troisième ligne Thierry Dusautoir.

La décennie qui suit voit les sélectionneurs se succéder sans résultat. Ni l’ancien ailier international Philippe Saint-André (2011-2015), ni le magicien de Toulouse Guy Novès (2015-2017), ni l’attachant Jacques Brunel (2018-2019) ne parviendront à redresser la barre.

Les Bleus vivent alors une véritable traversée du désert: dernière place du Tournoi 2013, déroute en quarts du Mondial-2015 contre la Nouvelle-Zélande (62-13), tournée catastrophe en Afrique du Sud en 2017, chute au dixième rang mondial, derrière les Fidji, en février 2018…

Mais plus que les défaites, que certains commentateurs estiment « encourageantes » à défaut de les qualifier de « rageantes », c’est le jeu déployé par le XV de France qui inquiète. Voire agace.

– « Tout gâcher  » –

Indigent, sans grande ambition, marqué par trop d’indiscipline et pas assez de constance, le rugby des Bleus déçoit. Menés par leur capitaine « courage » Guilhem Guirado, les Tricolores ne remportent que 38% de leurs matches entre février 2016 et le Mondial-2019, où la France échouera encore en quarts face au pays de Galles (20-19).

Un nouvel échec cuisant pour un XV de France qui ne fait plus peur depuis longtemps avec son fameux mais démodé « french flair ».

« Le début de match a confirmé que la France était préparée pour un quart de finale de Coupe du monde. Il y avait de l’intensité, de la vitesse et de la prise d’initiative », avait alors expliqué Novès à l’AFP. « Et puis comme souvent ces dernières années, cette équipe est capable d’être étincelante et merveilleuse et puis de tout gâcher par des comportements individuels (le carton rouge de Sébastien Vahaamahina, NDLR) ».

Avant de conclure: « Au final, comme souvent, comme toujours même, on se dit que l’on aurait pu gagner, que l’on aurait dû gagner mais, finalement, on perd. »

Ce Mondial avorté en quarts aura finalement des vertus car c’est de leur départ au Japon que les Bleus de 2023 datent leur renouveau, plus précisément du match de préparation contre l’Italie (47-19), au Stade de France, avant de prendre l’avion.

« Je n’avais pas joué, j’étais en tribunes et j’avais bien pu voir combien elles étaient vides (25.000 personnes, NDLR) », en rigolait encore le troisième ligne Charles Ollivon, après la victoire contre l’Australie (41-17), disputée fin août dans un stade cette fois incandescent. « C’était une autre époque, une autre histoire, une autre équipe mais je crois que c’était le début de notre aventure aussi. »

C’est qu’en 2019, une petite révolution est en train de se passer au sein du XV de France. Une nouvelle génération, dorée, est intégrée petit à petit: à la suite de Cyril Baille, Antoine Dupont et Damian Penaud en 2016-2017, arrivent les champions du monde U20 2018 et 2019 Romain Ntamack, Cameron Woki, Arthur Vincent… Preuve de l’importance du vivier français, les tournées estivales en Australie (2021) et au Japon (2022) permettent à des joueurs tels que Melvyn Jaminet, Jonathan Danty, Thibaud Flament, Yoram Moefana, Gabin Villière ou Anthony Jelonch de s’affirmer sur la scène internationale.

– Formation –

Car les relations entre la Fédération (FFR) et la Ligue professionnelle (LNR), à couteaux tirés depuis des années, se réchauffent. « A un moment, il y a eu une prise de conscience pour aller vers davantage de collaboration » pour le bien du XV de France, explique à l’AFP René Bouscatel, le président de la LNR, jusqu’à parvenir à ce que quarante-deux internationaux soient mis à disposition par les clubs dans un climat plus apaisé qu’avant.

En 2010, la mise en place de la règle des Joueurs issus des filières de formation (Jiff) a « élargi le réservoir de joueurs et augmenté leur qualité », estime encore Bouscatel. Contraints d’aligner des joueurs passés par leurs centres de formation, les clubs de Top 14 et de Pro D2 se tournent vers leurs jeunes plutôt que des stars étrangères.

Enfin, l’encadrement a changé, avec Fabien Galthié promu sélectionneur après le Mondial-2019.

L’ancien demi de mêlée (54 ans, 64 sélections entre 1991 et 2003) a vécu la déconvenue du Mondial-2019 de l’intérieur: l’ancien « adjoint comme les autres », a débarqué après le Japon avec un staff pléthorique et ultra-spécialisé, développant une méthode, un système de jeu, une stratégie… qui porte ses fruits: dès le premier match, les Bleus terrassent l’Angleterre (24-17), vice-championne du monde, avec la manière.

Dans la foulée, les Bleus de Galthié remportent 31 de leurs 38 matches, décrochent un premier Grand Chelem (2022) en dix ans, alignent quatorze victoires de rang entre novembre 2021 et février 2023… Mieux, avec des matches dantesques contre l’Angleterre (53-10) à Twickenham ou devant les All Blacks (40-25) au stade de France, ils provoquent enthousiasme et ferveur partout où ils jouent. Jusqu’à s’assoir à la table des favoris du Mondial-2023.

© 2023 AFP

Sexy Rugby : Boutique Rugby