De la glace dans les veines. L’ouvreur Handré Pollard, remplaçant au coup d’envoi, s’est transformé en héros avec une pénalité décisive, en toute fin de match face à l’Angleterre (16-15), et constitue l’atout maitre de l’Afrique du Sud qui rêve d’une quatrième Coupe du monde.
Et dire qu’il n’aurait pas dû être là! Le demi d’ouverture des Leicester Tigers (29 ans, 68 sélections) a en effet été rappelé en cours de compétition pour combler le forfait… du talonneur Malcolm Marx.
Sorti du chapeau de Rassie Erasmus et Jacques Nienaber, les deux têtes pensantes des Boks, passés maîtres dans l’art du contre-pied, Pollard n’avait initialement pas été retenu en raison d’une blessure à un mollet. Mais l’ancien ouvreur de Montpellier (2019-2022) est bien l’atout pragmatisme des Springboks, celui qui vient sortir les champions du monde en titre du guêpier avec son expérience et son jeu au pied.
Ca commence d’ailleurs à être une habitude: avant d’éliminer les Bleus en quarts (29-28) cette année, il avait déjà été crucial lors de la demi-finale de l’édition 2019, contre le pays de Galles (19-16), avec un taux de réussite maximal face au but et une inspiration décisive qui amena l’essai de Damian de Allende (57e).
Au Japon, il avait déjà passé la pénalité de la gagne à quatre minutes de la fin pour envoyer les Springboks en finale.
Rebelote quatre ans plus tard. Alors que les Boks étaient empêtrés dans le piège anglais en début de match, menés au score et pris tactiquement, le staff sud-africain s’est tourné vers le sauveur Pollard.
Dès la 31e minute, Manie Libbok, taillé pour faire vivre le ballon et perturbé par les conditions climatiques humides, qui imposaient de jouer beaucoup au pied, a dû céder sa place. C’est rare à ce niveau-là mais cela témoigne aussi de l’importance de l’ancien joueur du MHR.
Entré rapidement en jeu, Pollard a posé son empreinte sur le match, petit à petit. D’abord en facilitant les sorties de camp grâce à la précision de son jeu au pied.
Et, puis, surtout, en passant la pénalité décisive, à trois minutes de la fin, de plus de cinquante mètres.
– Déjà bourreau des Bleus –
« C’est pour ça qu’on joue au rugby. Quand on est ouvreur, on vit pour ce genre de moments. C’était génial », a sobrement commenté le héros du jour.
« C’est un vrai soulagement. On était frustrés, on n’a pas été très bons, surtout en première période. On savait qu’il fallait qu’on soit forts. Bravo à l’Angleterre, ils nous ont mis sous pression dans tous les secteurs. Mais on n’a rien lâché. (…) On a suivi notre plan de jeu. On a pris les actions les unes après les autres, minute par minute. Dans ce genre de match, tu ne peux pas trop te projeter. Il nous a fallu un moment mais on a fini par y arriver », a-t-il ajouté.
Si les prières anglaises n’ont pas été écoutées, les Boks, eux, avaient croisé les doigts quand leur buteur s’est élancé.
« J’étais comme un dingue. Il a un tempérament de dingue et un courage incroyable. Il gère parfaitement la pression », a d’ailleurs avoué le pilier Steven Kitshoff.
Même son de cloche du côté de Siya Kolisi. « Je n’avais aucun doute, je savais qu’il la passerait comme il l’a fait par le passé », a souri le capitaine sud-africain. « C’est la victoire de tout un groupe. La plupart des joueurs auraient baissé les bras mais pas nous. Quand on gagne, c’est toute l’Afrique du Sud qui gagne. Cette mêlée, c’est la victoire de Vincent [Koch], d’Ox [Nche], de Bongi [Mbonambi]… Quand Handré a passé cette pénalité, c’était un vrai soulagement pour l’ensemble de ce groupe. »
Désormais, les Springboks ne sont plus qu’à quatre-vingt minutes de devenir la première équipe à remporter la Coupe du monde à quatre reprises. Mais, pour ça, ils doivent battre l’ogre néo-zélandais. Avec Handré Pollard ou Manie Libbok aux manettes. Tout dépendra de l’approche tactique et, peut-être, de la météo.