Auckland, 10 nov 2022 (AFP) – Parce que le rugby « permet de se comprendre sans forcément se parler », des enfants néo-zélandais sourds et malentendants ont découvert mercredi ce sport, sur la pelouse de l’Eden Park à Auckland, avec comme coach la centre des Bleues Maëlle Filopon, malentendante de naissance.
Vêtus de tee-shirts verts au couleurs de l’Eden Park, la dizaine de « tamariki » (enfants, en langue maori) de l’école néo-zélandaise pour sourds et malentendants Ko Taku Reo, qui suivent un programme bilingue à l’école primaire et au collège d’Ormiston, se presse autour de Filopon et de sa coéquipière Manae Feleu en agitant les mains pour leur dire bonjour.
Aidé d’un traducteur en langue des signes, un petit garçon fluet, appareillé, demande à Feleu son prénom et quel est son poste.
« My name is Manae and I play lock for France », répond la deuxième ligne, le traducteur épelant son prénom sur les doigts, « France » se traduisant par le geste de se rouler de longues moustaches et « rugby » par celui de faire une passe.
Une fois installés dans les vestiaires, Maryke Penman, du comité d’organisation du Mondial féminin, explique aux enfants, sages et attentifs, que « c’est ici que se sont changées les +Black Ferns+ (néo-zélandaises), quand vous êtes venus voir leur match » remporté (25-24) face aux Bleues en demi-finale samedi dernier.
« C’est ici, poursuit-elle, que leur coach leur dit quoi faire, dans un discours qui doit les inspirer pour bien jouer. Et vous à présent, vous allez faire comme elles, aller dans le couloir, entrer dans le stade et expérimenter ce qu’est de jouer une Coupe du monde ».
– Ateliers –
Pendant ce temps, Manae Feleu entreprend de jouer à « pierre, feuille, ciseaux » avec l’un des enfants, tandis que, plus timide, Maëlle Filopon, qui porte son appareil auditif, ce qu’elle ne fait pas en match, passe un ballon à son jeune voisin.
« J’ai un handicap assez léger mais quand je vois ces enfants qui en ont un plus lourd, je me dis que le rugby permet de se comprendre sans forcément se parler », estime Filopon, tout sourire.
Rangés sur deux files, garçons et filles commencent à montrer un peu d’excitation quand leur enseignante explique qu’il va leur falloir entrer en jeu.
Suivis des joueuses, ils s’élancent et foulent alors la pelouse, impeccable et mythique, de l’Eden Park, courant dans tous les sens.
« C’est important pour eux de découvrir l’un des lieux emblématiques de notre pays, d’en sentir les bonnes vibrations », souligne à l’AFP Amanda Everitt, l’une des responsables de l’école.
Filopon et Feleu, après avoir montré comment se faire une passe croisée et plonger dans l’en-but, mettent en place un atelier avec les enfants.
Une petite brunette avec des tresses récupère le ballon sur une passe de Feleu et va rouler avec dans l’herbe, sous les poteaux, toute contente.
– Développement –
« Bravo! », applaudissent ses camarades en agitant les mains en l’air. Un autre atelier s’organise, autour du jeu au pied.
« Yes, I can », répète leur enseignante à ceux trop intimidés pour taper, en serrant son poing, se montrant du doigt et faisant le geste de se caresser le nez après s’être touchée l’oreille.
Le seul collégien du groupe réussit d’une belle frappe à passer son drop. « Bravo! » s’agitent à nouveau les petites mains.
« Quand je joue, j’ai déjà eu des problèmes — et j’en aurai toujours — pour entendre l’arbitre ou mes coéquipières, mais elles s’adaptent », explique Filopon, pour qui « ce n’est pas parce que tu as un souci aux yeux ou aux oreilles que tu ne peux pas pratiquer un sport ».
Pour ces enfants, « échanger avec des adultes malentendants qui ont réussi, dans un sport par exemple, est primordial pour leur développement, explique Mme Everitt. Car cela leur permet de se dire + »cette personne, ce pourrait être moi plus tard+ ».
© 2022 AFP
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