Les émissions de CO2 de la Coupe du monde de rugby, qui s’ouvre vendredi en France, devraient être limitées en comparaison d’autres grands événements sportifs internationaux mais restent malgré tout gonflées par le poids des déplacements aériens internationaux.
Selon Jacques Rivoal, président du comité d’organisation de la Coupe du monde, le bilan atteint 350.000 tonnes équivalent CO2 (tCO2e) juste pour les transports internationaux, qui constituent 85% du bilan. Il faut selon lui ajouter les émissions liées à l’organisation, ce qui donnerait un bilan global d’un peu plus de 410.000 tCO2e.
« On va rejeter 350.000 tonnes de CO2 », a déclaré M. Rivoal lors d’une conférence de presse fin août. « On a choisi d’investir dans l’absorption en investissant dans les puits de carbone par les mangroves », a-t-il ajouté, faisant référence aux mécanismes contestés de « compensation » carbone.
La start-up française Sami, qui mesure le bilan carbone des entreprises, estime pour sa part que le bilan de l’événement devrait être plus élevé, à environ 640.000 tCO2e.
Sami estime que 73% des émissions (465.000 tCO2e) viendront des déplacements, la venue des supporteurs étrangers pesant le plus lourd. Selon l’entreprise, les 20.000 fans australiens et néo-zélandais devraient à eux seuls émettre 115.000 tCO2e!
Pour les déplacements en France, les équipes sont encouragées à privilégier le train et les spectateurs à utiliser les transports en commun pour se rendre au stade. Toutefois il aura auparavant fallu prendre l’avion pour venir des Tonga, de l’Afrique du Sud ou du Chili.
Gilles Dufrasne, expert de Carbon Market Watch, juge l’estimation du bilan réalisé par Sami « crédible ».
« Quoique cela n’inclut probablement pas les émissions dites +non-CO2+ du secteur aérien », relève-t-il toutefois. Or le transport aérien génère d’autres pollutions très importantes mais encore mal évaluées, avec les traînées de condensation et les oxydes d’azote (NOx).
« L’impact climatique réel pourrait être bien plus élevé, puisque l’impact des vols est le plus gros poste, et pourrait être trois fois plus élevé que ce qui est dit », souligne Gilles Dufrasne.
– Attention aux comparaisons –
Selon Sami, l’hébergement (surtout) et la restauration (un petit peu) devraient générer 14% des émissions (88.000 tCO2e) en raison des consommations dans les hôtels, les snacks, les petits-déjeuners ou la fabrication du textile utilisé dans les chambres.
Quant au numérique, il devrait selon la start-up générer 10% des émissions (65.000 tCO2e).
Par comparaison, l’édition 2007 de la Coupe du monde de rugby avait dégagé 570.000 tCO2e, l’Euro 2016 de football 8,8 millions de tCO2e et la Coupe du monde de football de 2022 au Qatar 6 millions de tCO2e, selon Sami.
Ce dernier événement, très décrié, avait notamment nécessité la construction de stades neufs – ce qui n’est pas le cas en France.
Si la comparaison permet de donner des ordres de grandeur, sa pertinence est toutefois limitée par des différences méthodologiques (par exemple sur les prise en compte ou non des impacts hors CO2 du transport aérien).
« On risque vite de comparer des pommes et des poires en faisant ce genre de rapprochement », met en garde Gilles Dufrasne.
Par ailleurs, le choix de TotalEnergies comme sponsor de la compétition (aux côtés de la compagnie aérienne Emirates ou du 4×4 Defender) a été vivement décrié par l’ONG Greenpeace, qui a publié un film d’animation montrant un stade de France se remplissant de pétrole, rappelant que « l’équivalent d’un stade rempli de pétrole est extrait toutes les 3 heures et 37 minutes sur la planète ».
« Le sponsoring sportif et culturel constitue un des piliers de la stratégie des grosses entreprises pétro-gazières pour poursuivre leurs activités toxiques et développer encore de nouveaux projets fossiles, en dépit de la crise climatique », juge Greenpeace.
© 2023 AFP
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