Paris, 2 fév 2023 (AFP) – Si de plus en plus de procédures en justice se lancent au Royaume-Uni comme en France pour alerter sur le problème des commotions cérébrales, véritable fléau dans le monde du rugby, institutions et instances de ce sport, de leur côté, bougent peu, tout en assurant que le bien-être des joueurs est leur priorité.
. Anglais et Gallois, les pionniers
Anglais et Gallois ont tiré les premiers: en 2020, d’anciens sportifs professionnels atteints de commotions cérébrales, dont Steve Thompson, vainqueur du Mondial-2003 et qui a témoigné dans la presse souffrir de démence précoce, et Ryan Jones, ancien capitaine du pays de Galles, se sont lancés en justice.
Aujourd’hui, ils sont déjà plus de 275, représentés par le cabinet d’avocats Rylands Garth, qui ont engagé une action en justice à l’encontre de World Rugby, ainsi que des fédérations anglaise et galloise, en attendant un éventuel procès.
Parmi eux, l’ancien international gallois Alix Popham, atteint à seulement 43 ans d’une encéphalopathie traumatique chronique, une maladie neurodégénérative qui peut survenir chez les personnes ayant des antécédents de traumatismes crâniens multiples, craint que « les mamans et les papas n’envoient plus leurs enfants à l’entraînement ».
« Le neurologiste m’a dit que n’importe quel joueur ayant joué plus de quatre ans de rugby au haut niveau souffrira de troubles cérébraux », a-t-il expliqué dans un entretien à l’AFP.
A ces noms illustres, se sont récemment ajoutés une cinquantaine d’anciens joueurs amateurs outre-Manche, dont l’objectif est d’obtenir des dommages-intérêts pour eux-mêmes et leurs familles afin d’essayer de rendre le sport plus sûr pour les générations futures.
. En France, un début de prise de conscience
Faisant suite aux démarches judiciaires intentées au Royaume-Uni, une vingtaine d’anciens joueurs ayant évolué dans les championnats français entre 2003 et 2022, dont les internationaux canadien Jamie Cudmore et néo-zélandais Carl Hayman, ont annoncé fin novembre qu’ils comptaient déposer début 2023 un recours devant la justice administrative contre la Fédération française de rugby (FFR) et la Ligue nationalz de eugby (LNR).
Leurs avocats affirment que « la survenance des différents troubles affectant » leurs clients (lésion cérébrale permanente, démence précoce, épilepsie post-traumatique, maladie de Parkinson, dépression), « aurait pu être évitée » si ces instances, organisatrices des compétitions en France, « avaient rempli leurs obligations respectives de sécurité, de prudence, de diligence et d’information ».
Dans un entretien à l’AFP, l’ex-joueuse de Rennes (ouest) Sarah Chlagou, contrainte d’arrêter le rugby après deux commotions en 2019, avait confié qu’à la moindre contrariété, elle avait « l’impression de (se) transformer en Hulk: je me sentais sombrer dans la folie ».
Selon l’avocat Nino Arnaud, « si on arrive à établir un précédent avec un seul de nos dossiers », il sera plus facile ensuite de faire jouer la jurisprudence pour contraindre les instances à réagir, « même s’il n’y pas grand chose à gagner », financièrement parlant.
Il est préférable de « partir d’un collectif, car c’est plus simple pour les joueurs, dans l’intérêt d’une éventuelle négociation », a ajouté Me Arnaud à l’AFP.
. Les instances assurent de leur implication
En début d’année, dans la perspective du Mondial en France (8 septembre-28 octobre), le président de World Rugby, l’Anglais Bill Beaumont, a affirmé dans une lettre ouverte avoir fait « de 2022 une année de concentration sur le bien-être dans le rugby ».
En 2023, a-t-il promis, seront entreprises « des recherches indépendantes (…) autour de nos études sur les protège-dents intelligents. Ces données permettront de mieux comprendre le jeu comme jamais auparavant et serviront de base à de nouvelles avancées en matière de lois, de protocoles et de directives en faveur du bien-être ».
Dans une déclaration commune, FFR et LNR en France, tout en prenant acte de ces démarches judiciaires, ont assuré que « la santé des joueurs, amateurs et professionnels (était leur) priorité ».
« De nombreuses actions, souvent citées comme exemplaires, sont engagées depuis des années au niveau international et national pour détecter, réduire et prendre en charge les commotions », ont-elles estimé.
© 2022 AFP
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