Spectateur attentif de la montée en puissance de l’UBB, l’ancien pilier béglais Serge Simon s’est replongé pour l’AFP dans la dernière finale du championnat de France disputée par un club girondin, le CABBG en 1991 déjà contre Toulouse.
Q: Que vous inspire la présence de Bordeaux-Bègles en finale, de nouveau face à Toulouse ?
R: « C’est une très bonne nouvelle. C’est mérité, cela fait des années que l’UBB, qui en est à sa quatrième demi-finale, flirte avec les sommets et mérite de jouer le titre. En face, Toulouse est abonné à la finale et aux titres, c’est assez logique que ce soit encore une fois face à lui puisque ce club domine le rugby français de la tête et des épaules depuis des années. Ce n’est pas complètement une surprise ».
Q: En 1991, vous n’étiez pas favoris, un peu comme l’équipe de Yannick Bru aujourd’hui. Vous confirmez ?
R: « Ca confirme que rien n’est joué sur un match. Il peut y avoir une transcendance, des faits de jeu, toute une équation plurifactorielle qui fait que, heureusement, l’incertitude peut amener des surprises et mettre son grain de sel dans une équation qui semble jouer d’avance. Techniquement, rugbystiquement parlant, on avait certainement beaucoup à redire sur les qualités de notre équipe à l’époque mais le rugby est un sport de combat collectif, il s’est avéré que l’équation a été résolue de manière inattendue pour beaucoup d’observateurs (victoire 19-10) ».
Q: Quels souvenirs gardez-vous de ce titre ?
R: « De l’intérieur, ça nous semblait évident tellement on était forts, certains de ce qui pouvait nous arriver et ne pas arriver. Je le dis souvent, c’est un titre qu’on n’a pas apprécié à sa juste valeur parce qu’on était dans une espèce d’euphorie un peu égotique où on se nourrissait de nous-mêmes. On était tellement brûlants et incandescents de ce que l’on vivait qu’on n’a pas mesuré l’incroyable portée d’un titre de champion de France. Je me suis rendu compte après qu’être champion de France de rugby, ça n’arrive pas toutes les saisons. Cela nous est arrivé pour certains d’entre nous de l’être de nouveau en 1998 avec le Stade français. Il y a des très grands joueurs qui n’ont pas eu cette chance. Sur le moment, on n’a pas forcément réalisé ce qui était en train de nous arriver ».
Q: Aujourd’hui, on fait encore référence à cette victoire de 1991, cela vous touche ?
R: « Je ne suis pas exégète de ce qui nous est arrivé en 1991. De mes souvenirs, on mettait en avant deux visions du rugby qui s’opposaient. C’était un peu théâtralisé. D’un côté, il y avait le Stade toulousain et son système de jeu très technique, très tactique, qui se vantait, à juste titre d’ailleurs, que ce sport était très intelligent. Les grands penseurs de ce sport, (Robert) Bru, (Pierre) Villepreux, (Jean-Claude) Skrela… c’étaient des théoriciens. Nous, on était plutôt à défendre un peu l’inverse. Dans notre système, ce sont les personnes qui rendaient l’aventure forte et intéressante. On avait un système de jeu qui était très pauvre, on ne pouvait pas faire grand chose. Cela a peut-être marqué les gens, comme le fait de voir notre pomme régulièrement dans les médias et notamment celle de Vincent Moscato, qui rappelle ce titre aux gens. Et il y a cette fameuse tortue béglaise, qui a fait plein de petits et qui est devenue, aujourd’hui, une phase de jeu assez classique ».
Q: A votre époque, c’est cette tortue qui était réputée. Aujourd’hui on loue la ligne arrière de l’UBB…
R: « Ils ont des joueurs d’une qualité incroyable, de Matthieu Jalibert à Damian Penaud, de Louis Bielle-Biarrey à Maxime Lucu… C’est quasiment l’équipe de France. J’ai connu ces garçons quand j’étais en charge des équipes de France à la Fédération, on les traite de Galactiques à juste titre. A l’époque, notre première ligne et le huit de devant faisaient référence mais pas au niveau international. Ca a aussi été le cas pendant des années à Toulouse. Si les trois-quarts peuvent briller, c’est parce que les avants font face. Si les avants ne faisaient pas face, les trois-quarts ne pourraient pas déployer leur incroyable talent ».
Propos recueillis par Raphaël PERRY
© 2024 AFP
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