Le rugby français a toujours vécu à l’ombre du bouclier de Brennus. La quête de ce Graal fait partie de l’ADN de ce sport où tout le socle repose sur cette culture du club, du clocher.
Mais le rugby français a aussi une vitrine : l’équipe de France. Elle a longtemps été exposée au sortir de l’hiver pour son traditionnel « tournoi des cinq nations » qui, lui aussi, fait partie de son ADN. Mais depuis un quart de siècle elle bénéficie d’une exposition mondiale qui lui permet de sortir de son côté régionaliste. Car oui, le rugby français est un sport régionaliste malgré ses 400000 licenciés.
Ce samedi 17 octobre, cette vitrine a explosé en mille morceaux et va être très difficile à recoller. Bien sûr il est facile de tirer à boulets rouges contre PSA et d’en faire l’unique responsable de cette débâcle.
Je voudrais attirer l’attention sur un mal plus profond : la formation.
J’ai la chance de suivre mon fils de 12 ans qui pratique ce sport depuis 8 ans. Qu’a t-il appris si ce n’est de foncer contre des sacs de plaquages ou des boucliers ? Ces fameux boucliers qui font qu’aujourd’hui les enfants ne savent plus faire un crochet ou prendre un intervalle. Le jeu, la technique individuelle et la prise d’initiative sont complétement occultés. Je ne jette pas la pierre aux éducateurs qui font un boulot remarquable, mais au système. Ce dernier privilégie la densité physique à la technique. Dès le plus jeune âge on « maquignone » pour trouver les gamins aux gabarits hors normes. Ces derniers n’ont pas besoin de travailler leur technique individuelle pour prendre le dessus sur leur adversaire de leur âge au gabarit normal. Et quand on questionne : «mais il n’a jamais fait de rugby», on s’entend répondre : «avec le physique qu’il a, on en fera toujours quelque chose».
Pensez-vous qu’aujourd’hui des Didier Codorniou, Denis Charvet ou autre Ugo Mola auraient leur place en équipe de France ? Non ! Ils ne pourraient même pas espérer une honnête carrière de joueur de club professionnel car sacrifiés dès l’adolescence sur l’autel du : « tu manques de physique ».
Même dans des villes dites « de rugby » les écoles de ce sport commencent à peiner pour garnir leur effectif. Les gamins se tournent vers d’autres loisirs car ils savent que tôt ou tard ils seront barrés. Ne disaient-on pas autrefois : «au rugby, il y a ceux qui déménagent les pianos et ceux qui en jouent». Les virtuoses de ce sport ont disparu, emportés par une charge d’un centre « golgothien » ou écrasés par un fameux «passage au sol».
On a vu le résultat contre les blacks, où, là-bas, même les piliers savent faire des chistéras. Car eux ont tout compris. Ils commencent par le jeu !
A l’heure où la FFR rêve de son grand stade, véritable château en Espagne, elle ne s’aperçoit pas que sa maison se fissure et risque de s’écrouler. Qu’elle n’oublie pas que le rugby est encore« régionaliste » et qu’à l’heure d’internet et du zapping, les médias et autres partenaires pourraient rapidement se tourner vers d’autres sports et oublier ses fameuses « valeurs ». Elle passerait alors d’un sport attractif à un sport confidentiel et le rugby tomberait aux oubliettes…
Alors les enfants, rangez moi ces boucliers dans la vitrine et allez-vous faire des passes dans le pré. Vite !
RS.
