L’Angleterre termine son Tournoi des six nations samedi en France, où certains de ses meilleurs talents sont exilés, attirés par le niveau du Top 14, l’argent et le cadre de vie, quitte à tourner le dos au XV de la Rose.
A Lyon, les Anglais ne pourront pas compter sur leurs « Français » Jack Nowell (La Rochelle), Sam Simmonds (Montpellier), Jack Willis (Toulouse), David Ribbans (Toulon) ou encore Joe Marchant, arrivé au Stade français après un Mondial-2023 disputé comme titulaire.
Selon une règle édictée par la Fédération, les expatriés ne sont en effet plus éligibles sous le maillot national, peu importe leur pedigree et leur nombre de sélections.
La Rugby Football Union (RFU) tente ainsi de freiner le départ de ses meilleurs éléments vers des championnats plus rémunérateurs, comme la France ou le Japon, alors que la ligue est traversée par des problèmes financiers ayant mené des clubs jusqu’à la faillite.
« Il n’y a pas beaucoup d’argent là-bas, pas beaucoup d’investissement et beaucoup de monde qui regarde le foot. En France, le rugby c’est plus populaire », a résumé fin février Zack Henry, ouvreur du Stade français. « Moi ça fait sept ans que je joue en France et j’adore! »
– Arundell, exil précoce –
D’autres ont traversé la Manche plus récemment, comme le jeune et talentueux Henry Arundell, recruté cet été par le Racing 92 après la faillite des London Irish.
L’ailier ou arrière de 21 ans (10 sélections) a d’abord été autorisé à poursuivre sa carrière internationale en raison du motif de son exil, en partie contraint. Mais après le Mondial-2023, où il a marqué cinq essais, la prolongation de son contrat chez les Ciel et Blanc l’a rendu inéligible.
« Ça serait génial si je pouvais faire les deux » mais il faut « protéger le championnat anglais », a-t-il concédé début janvier. « C’est pareil en France, à chaque rencontre les gens veulent voir Cameron Woki, Gaël Fickou, les internationaux… Je comprends pourquoi il y a cette règle ».
A 27 ans, le troisième ligne anglais Jack Willis (14 sél.) s’épanouit à Toulouse, qu’il a rejoint après le placement en liquidation judiciaire des Wasps.
« Vous passez plus de temps avec votre club qu’en sélection. Il est donc primordial de bien le choisir, d’être heureux dans son environnement quotidien », a-t-il raconté à l’AFP.
« Les gens ont parfois tendance à oublier la situation en Angleterre. J’ai perdu mon boulot il y a 14 mois seulement. Je n’avais plus de salaire, aucune offre au pays et ce club (Toulouse) a été formidable envers moi », ajoute-t-il.
Lui « pensait à un moment » que la RFU allait revoir ses règles d’éligibilité « mais on est toujours au même point ».
– Pour Itoje, « une drogue » –
Au pays, certaines voix respectées s’élèvent pour une réforme, à l’image de Lawrence Dallaglio, champion du monde 2003 avec le XV de la Rose.
« Ils doivent la changer. Je pense que Borthwick (le sélectionneur) veut changer les choses, il ne le dira pas publiquement, mais il faut le faire », a-t-il lancé.
« Je ne pense pas que l’Anglerre ait suffisamment de qualités à l’heure actuelle pour ignorer le monde étranger tel qu’il est », a ajouté l’ancien joueur des Wasps, en prenant l’exemple de Willis. « L’Angleterre se prive de l’un des meilleurs flankers de la meilleure équipe européenne. Pourquoi ne peut-il pas jouer pour l’Angleterre? ».
Will Carling, capitaine des vice-champions du monde 1991, est « inquiet » plus particulièrement de voir des « jeunes » s’éloigner du maillot national, qui n’est plus « l’apogée » d’une carrière. « Les personnes occupant les postes adéquats doivent se demander pourquoi les gens renoncent à jouer pour leur pays », a-t-il assuré.
Il y a pourtant des stars qui clament encore haut et fort leur amour du maillot blanc, comme Maro Itoje, 29 ans et 80 sélections, déterminé à rester au pays au moins jusqu’à la Coupe du monde 2027.
« Disputer le dernier Mondial a été une expérience extraordinaire. La passion des supporters, l’atmosphère, l’effervescence, l’excitation. C’est une drogue dont il est difficile de se passer », a dit le joueur des Saracens avant le Tournoi.