Après le Mondial 2007, « quand je jouais contre les équipes néo-zélandaises, tout le monde m’appelait +forward pass+ » en souvenir de la passe en-avant amenant l’essai de la victoire des Bleus face aux All Blacks en quart (20-18), s’amuse dans un entretien à l’AFP l’ancien ouvreur Frédéric Michalak (40 ans, 77 sélections).
Q: En 2007, la Coupe du monde se déroule en partie en France et le sélectionneur Bernard Laporte décide de placer tout le monde dans une bulle. Pourquoi?
R: « A l’époque, on faisait beaucoup de huis clos déjà dans les clubs. On voulait se protéger des facteurs externes, avec l’arrivée des réseaux sociaux, la médiatisation croissante du rugby, on jouait à domicile… On avait Sébastien Chabal qui rameutait les foules par exemple. A Marcoussis, on voyait ainsi des paparazzi qui se cachaient dans les arbres! On avait le sentiment qu’il fallait qu’on reste entre nous pour se préparer car c’était nous contre le reste du monde. Alors, émotionnellement, on a peut-être subi tout ça, on ne s’était pas assez préparé au contexte dans lequel on allait évoluer. On a mal abordé cette Coupe du monde: était-ce lié à cette préparation faite +entre nous+? Peut-être. Sûrement. A l’époque, on n’était pas dans la préparation mentale, c’était un facteur qui n’était pas du tout exploité. »
Q: Puis vous perdez le match d’ouverture contre les Argentins (17-12) alors que tout le monde vous voyait favoris…
R: « La réalité fait que la performance est liée à la charge émotionnelle et l’impact qu’elle peut avoir, et sur ce premier match, on l’a bien subie. On le perd, on rentre mal dans la compétition et sincèrement, on ne s’était pas préparé à ça, on n’avait pas anticipé le truc. Mais ce qui est important, c’est notre réaction. Les anciens – Christophe Dominici, Fabien Pelous – ont rappelé pourquoi on était ensemble, pourquoi on jouait au rugby, ce qui dépassait le simple fait de porter un maillot. Après ce premier match, on a vécu un moment fort le soir-même et c’est marrant parce que le lendemain, on avait tous le sourire alors qu’on avait perdu la veille. »
Q: Votre deuxième place en poule vous envoie en quart de finale à Cardiff où vous attendent les All Blacks et leur haka. Vous y répondez en avançant en ligne, vêtus de maillots formant le drapeau bleu-blanc-rouge…
R: « Je ne sais plus de qui vient l’idée mais on a tous dit +oui+. Il fallait faire quelque chose, un peu comme le boxeur qui veut essayer de gagner l’énergie de son adversaire, donc de les déstabiliser au moment où, eux, invoquent les esprits supérieurs. C’est une culture que l’on respecte beaucoup mais il nous fallait réagir en tant que Français. Et il y a beaucoup de gens qui nous en parlent encore! »
Q: Lors de ce match, il y a cette passe entre Damien Traille et vous, qui emmène à l’essai de la victoire signé Yannick Jauzion, et qui serait en avant…
R: « Je m’en souviens très bien: je rentre et on annonce cette combinaison, qui s’appelait +France+ je crois. Je savais que Damien, avec sa taille, était en capacité de passer les bras, donc, c’est juste une feinte de croisée, je viens à hauteur et oui, bien sûr, il y a une petite passe en avant (de sa part, NDLR) mais à cette époque-là, il n’y avait pas la vidéo (sourire). Ce qui est marrant, c’est que je suis parti en Afrique du Sud juste après la Coupe du monde, et quand je jouais contre les équipes néo-zélandaises, tout le monde m’appelait +forward pass+ et moi, je leur disais +no, no, no way+. Car il n’y a jamais eu en-avant, bien sûr que non! De toutes les façons, ce match était pour nous, on les a +graissés+ dès le début. »
Q: Comme en 2003, votre parcours s’arrête malheureusement en demi-finale face au XV de la Rose (9-14)…
R: « Une demi-finale contre l’Angleterre, c’est toujours difficile. Je pense qu’on était catalogué comme une équipe à succès, qui réalisait des choses exceptionnelles, comme de battre les meilleurs, mais on avait du mal à rester en haut. C’est ce qui nous a manqué contre les Anglais. Il y a eu forcément un peu de lâcher prise et on n’a pas su se remotiver, se préparer, comme de futurs champions du monde. Et en face, on a une équipe pragmatique, encore une fois, avec un Jonny Wilkinson encore là au bon moment. Si je ne l’avais pas croisé, j’aurais peut-être été champion du monde! »
Propos recueillis par Laure BRUMONT
© 2023 AFP
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