Yannick Bru prédit un « choc de titans », avec « une grosse incertitude » avant France-Afrique du Sud

yannick Bru
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« Ça va être un choc de titans », avec « une grosse incertitude sur le résultat »: marqué par son expérience aux Sharks de Durban la saison dernière, le manager de Bordeaux-Bègles Yannick Bru détaille pour l’AFP sa vision du rugby sud-africain, avant le quart des Bleus dimanche.

QUESTION: Vous avez côtoyé de nombreux Springboks pendant un an. Les sentiez-vous « focus » sur cette coupe du monde?

REPONSE: « Oui, car les Springboks, c’est comme une famille. Ils sont réunis hyper souvent dans l’année et ont tissé des liens très forts depuis le titre de 2019. Ils savent que c’est leur dernière aventure ensemble pour la plupart, puisqu’ils vont après aller monnayer leur talent au Japon ou en Europe. Forcément, ça renforce les liens. C’est un pays qui souffre énormément sur le plan économique, sur le plan social et pour eux, c’est une bulle de plaisir de se retrouver au sein des Springboks. »

Q: Comment fonctionnent-ils au quotidien ?

R: « J’ai des rapports particuliers avec certains d’entre eux, ils m’inspirent beaucoup de respect. Ce sont des gens d’une humilité et d’une simplicité sans faille. Je suis encore surpris de leur disponibilité à tout moment et de la façon dont ils ont les pieds sur terre, des entraîneurs aux plus grandes stars. C’est une nation de travailleurs qui ne se cherchent pas d’excuses, qui sont toujours dans une forme d’effort. Compte tenu des moyens dont ils disposent, être champion du monde en titre et l’avoir été trois fois, c’est quand même fort car c’est une nation qui manque un peu de tout mais certainement pas de volonté et d’esprit de compétition. »

Q: Ont-ils fait évoluer leur jeu depuis leur titre au Japon ?

R: « Oui, depuis deux ans. Quand on les a battus à Marseille (30-26 en novembre 2022, NDLR), déjà ils étaient un peu sortis de leurs standards sur le début du match en surjouant un peu, notamment dans leur camp. Ils ont eu des démêlés avec le corps arbitral, ils ont fait leur autocritique et ils savent aussi que sur leur ADN et leur identité de jeu, à savoir le +kicking game+, la dépossession, la +rush defense+ et un gros paquet d’avants, ils étaient mis en concurrence par d’autres nations. Cela fait deux ans qu’ils se questionnent pour rajouter des cordes à leur arc car ils jouissent de talents au niveau des lignes arrières, avec de la vitesse. Comment utiliser un peu mieux les Canan Moodie, Arendse, Kolbe, Libbok et Willemse? Mais leur identité de jeu repose quand même sur l’effort et la pression. »

Q: Comment voyez-vous le quart de dimanche ?

R: « Ça va être un choc de titans, une sorte de Guerre des étoiles car on a aussi des forces et des ressources incroyables. On a des talents avec des joueurs qui sont les meilleurs du monde à leur poste, qui leur font peur car ils ont énormément de respect pour le XV de France et la France en général. (…) Il y aura une grosse incertitude sur le résultat. »

Q: Doit-on s’attendre à des inventions ou des innovations de leur part, comme leur banc avec 7 avants et 1 arrière ?

R: « S’il y a bien quelque chose que j’ai appris là-bas, c’est qu’ils ont un plan à chaque match et, comme ils disent, +stick to the plan+ (+s’en tenir au plan+, ndlr) –qu’ils le respectent de la 1ère minute à la 82e. C’est la différence avec nous, les Latins. Leur plan est toujours très mûrement réfléchi, pensé, calibré. Ce sont tout sauf des bourrins qui se jettent dans des murs. Oui, ils ont cette dimension (physique) supérieure, mais ils ont ce goût pour le travail, la préparation et la recherche. Ils ont fait le +7-1+ par moments, ils sont capables de faire 100% de mauls sur un match. Ils se moquent de ce que l’on pense d’eux, ils cherchent le chemin le plus court vers la victoire. »

Q: Faut-il s’inspirer de l’Irlande qui les a battus en poule (13-8) ?

R: « Non, il faut suivre notre chemin avec nos qualités et nos fragilités puisque les joueurs se sont construits comme ça depuis quatre ans. Les Irlandais ont gagné ce jour-là mais on est bien d’accord pour dire qu’ils auraient perdu ce match de dix points si les Springboks avaient eu un buteur (Manie Libbok et Faf de Klerk ont raté trois pénalités et une transformation lors de ce match, soit 11 points, NDLR). Ils ont gagné ce match ce jour-là avec l’aide des Dieux du rugby. »

Propos recueillis par Raphaël PERRY

© 2023 AFP

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