Précipitée par le Covid, la disparition de la franchise des Jaguares a brisé la dynamique collective de l’équipe d’Argentine, qui attend contre le pays de Galles, samedi en quart de finale du Mondial-2023, un des coups d’éclat dont elle se contente depuis.

Le polyvalent arrière argentin Juan Cruz Mallia se plaît tellement au Stade toulousain, avec lequel il a remporté la Coupe d’Europe et deux fois le Top 14, qu’il y a prolongé son contrat jusqu’en 2026.

Le natif de Cordoba, dans le centre de l’Argentine, jouerait pourtant sans doute encore au pays si le Covid n’avait pas brutalement mis à l’arrêt le Super Rugby, la compétition phare de l’hémisphère Sud.

Fondés en 2016 pour accélérer le développement du rugby argentin, les Jaguares, basés à Buenos Aires, s’y étaient vite fait une place au milieu des franchises néo-zélandaises, australiennes et sud-africaines.

Ils en avaient même atteint la finale en 2019, perdue contre les Crusaders (19-3), et l’avenir s’annonçait prometteur pour la sélection, avec à disposition un groupe de joueurs habitués à évoluer ensemble tout au long de l’année.

– « Un grand pas en arrière » –

Privée des revenus du Super Rugby pendant la pandémie, la Fédération argentine, incapable de payer leurs salaires, a poussé Mallia et ses coéquipiers à l’exil afin qu’ils puissent continuer à évoluer au plus haut niveau.

« Nos vies ont complètement changé à cause du Covid », témoigne le joueur de Toulouse. « Nous sommes désormais éparpillés à travers le monde, dans des clubs différents. Il faut s’y réhabituer et continuer à construire ».

La plupart de ses compatriotes ont trouvé comme lui un point de chute en Europe, dans les championnats de France et d’Angleterre, mais pour l’ancien troisième ligne international Leonardo Senatore, le rugby argentin a fait « un grand pas en arrière » avec la fin des Jaguares.

« Ca a nettement affecté notre façon de jouer car les gars ne passent plus autant de temps ensemble », explique-t-il à l’AFP. « Ils ont tous des systèmes différents dans leurs clubs, des philosophies différentes, et ça rend les choses plus compliquées quand ils se retrouvent ».

Les Pumas ont signé depuis la dernière Coupe du monde plusieurs victoires de prestige, notamment contre la Nouvelle-Zélande en 2020 et 2022, mais ces « exploits » masquent un manque de régularité et des difficultés financières récurrentes.

– Super Rugby Americas –

« Le rugby mondial a connu lors des quatre dernières années de nombreux changements, pas tous positifs », constate dans un entretien à l’AFP l’ancien demi de mêlée international Agustin Pichot, grand architecte de l’intégration des Jaguares dans le Super Rugby. « L’Argentine n’y a pas échappé et a tenté de s’adapter ».

Le sélectionneur Mario Ledesma a quitté son poste l’an dernier, évoquant une « fin de cycle ». Son successeur, l’Australien Michael Cheika, a hissé les Argentins en quarts de finale du Mondial, le contrat minimum, mais les limites affichées lors de la phase de groupes interrogent.

Selon Leonardo Senatore, qui a joué pour les Jaguares à leurs débuts entre 2016 et 2018, l’avenir passe par le développement du Super Rugby Americas, une compétition réunissant franchises d’Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Chili, Paraguay, Uruguay) et du Nord (Etats-Unis).

« Nous avons besoin de plus de concurrence régionale, c’est la base de tout », explique l’ancien joueur de Toulon et Worcester. « Regardez à quel point les Fidji ont progressé depuis qu’ils ont une franchise (les Drua) en Super Rugby ».

Le grand championnat des Amériques n’est « pas la voie la plus simple », reconnaît-il. « Ca prendra du temps ». Pas sûr que le rugby argentin en ait énormément devant lui.

© 2023 AFP

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