Mondial-2023: l’Australie d’Eddie Jones déjà tournée vers 2027 ?

Saint-Étienne, 23 sept 2023 (AFP) – Arrivé en janvier au chevet d’une Australie moribonde à sept mois du Mondial-2023 en France, Eddie Jones, le tempétueux sélectionneur Wallaby, est sous le feu des critiques après un début de mandat raté et avant un match décisif face au pays de Galles dimanche à Lyon.

S’il soutient mordicus que l’Australie peut encore « absolument » être championne du monde le 28 octobre prochain au Stade de France, Jones, 63 ans, a aussi expliqué vendredi que sa mission de construire un groupe compétitif pour le prochain Mondial-2027… en Australie, ne pouvait pas se faire « sans douleur ».

Sommé par d’anciens wallabies, comme les ailiers David Campese et plus récemment Drew Mitchell, d’expliquer « des choix que personne ne comprend » et de justifier les six défaites en sept rencontres de l’Australie depuis qu’il en a repris les rênes, dont la plus humiliante, dimanche dernier face aux Fidji (22-15), Jones n’a pas botté en touche.

« Je n’écoute aucun de ces bruits, je ne sais même pas ce que Drew Mitchell ou David Campese ont dit », a-t-il balayé en conférence de presse avant d’affirmer: « Je suis vraiment désolé que nous n’ayons pas eu de meilleurs résultats. Ce que je sais, c’est que ce que l’on fait est bon pour le rugby australien. (…) On essaie de construire une équipe qui fasse rêver, pas une équipe médiocre. On veut une très bonne équipe, et pour cela, il faut souffrir et passer par des échecs. »

– « Le meilleur entraîneur du monde » –

Les échecs passent pourtant de plus en plus mal sur l’Ile-continent où l’ancien sélectionneur de l’Angleterre, nommé à la tête de l’Australie un mois à peine après avoir été débarqué par la RFU, la puissante fédération anglaise, était revenu en grande pompe, jouissant encore d’une solide réputation.

« C’est un gros coup pour le rugby australien que d’avoir le meilleur entraîneur du monde qui rentre au pays », s’était félicité en janvier le président de la Fédération australienne, Hamish McLennan.

Mais « le meilleur entraîneur du monde » tâtonne. En sept mois et sept rencontres, il a changé six fois de capitaine au gré des blessures des uns et de la méforme des autres.

Jones vit les plus mauvais débuts pour un sélectionneur australien dans l’ère professionnelle. Mais il se veut combatif et justifie ses choix.

S’il s’est passé de joueurs aguerris aux joutes internationales comme Michael Hooper ou Quade Cooper, leur préférant des novices incarnés par l’ouvreur Carter Gordon (4 sélections avant le Mondial), beaucoup trop tendres pour rêver de conquérir un troisième titre mondial dès à présent, c’est qu’il ne pouvait « pas attendre ». « Les résultats avec eux n’étaient pas meilleurs », a-t-il glissé au passage.

– Six ans pour construire une équipe –

« Les équipes se construisent en six ans », a-t-il affirmé. « Ce sont des groupes de jeunes joueurs qui débutent ensemble, souvent avec les moins de 20 ans. Ils traversent une période difficile d’un ou deux ans, puis ils deviennent une bonne équipe ».

Aura-t-il le temps de voir mûrir ses ouailles? La question lui a été posée avec insistance vendredi lorsqu’il a dévoilé l’équipe qui allait affronter les Gallois dans un match « à la vie, à la mort » pour les Wallabies.

Mais Jones est resté fidèle à lui-même, surtout lorsqu’il se présente face à la presse. Soufflant le chaud et le froid, tantôt volubile, tantôt peu prolixe, tout à la fois drôle, acerbe, grinçant, de mauvaise foi. Toujours mordant.

A coup de « mate » (copain, NDLR), qu’il ponctue à chacune de ses phrases, à coup de « de toute façon, tu ne m’aimes pas » qu’il aime rétorquer à un journaliste posant une question dérangeante, à coup de bon mots (« ils auraient dû me jeter des baguettes et des croissants » au public français qui le huait copieusement face aux Fidji), Jones fait le show, endossant toute la pression sur ses épaules pour mieux protéger le jeune groupe qu’il tente de construire.

Plus que jamais lucide aussi sur sa position fragile, assis sur un siège éjectable. « A la fin de la Coupe du monde, il y aura un bilan et au vu des résultats que nous aurons alors peut-être que la Fédération ne voudra pas me garder, c’est la réalité du métier que je vis, et je le comprends ».

Une place qui ne semble plus tenir que sur une victoire dimanche face au pays de Galles. « Si nous battons le pays de Galles, nous serons en vie et c’est tout ce qui compte », avant de conclure: « J’ai confiance, mate. »

© 2023 AFP

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