Un Mondial en France, Tumua Manu en a déjà vécu un avec les U20 samoan. C’était il y a dix ans, avant une longue éclipse durant laquelle ce centre s’est cherché socialement puis s’est trouvé sportivement, à Pau notamment, où il a débarqué en 2020.
A 30 ans, il ferait presque figure d’ancien au milieu des Manu Samoa. Sauf que Tumua est un tout jeune international, capé pour la première fois en juillet 2022 – il compte aujourd’hui huit sélections avec cinq essais inscrits -, au chemin semé d’embûches, loin des radars de sa fédération qui aura mis neuf ans à le retrouver.
Car, entre-temps, ce guerrier du Pacifique (1,83 m pour 97 kg) a changé deux fois de pays de résidence et même d’identité à l’âge de 21 ans. A l’époque, il se prénomme Potoae Tumua Sasagi avant d’opter pour Tumua Manu, le nom de son grand-père, quand il décide de quitter son pays natal pour rejoindre un oncle en Nouvelle-Zélande dans l’espoir d’avoir une vie meilleure.
Au pays du long nuage blanc, il fréquente d’abord le rugby d’en bas, au College Rifles à Auckland, club historique fondé en 1897 d’où sont issus cinq All Blacks – le dernier en 1974 – témoin d’une institution ne faisant plus référence.
– De soliste à mature et connecté –
Un voyage commencé dans la douleur car Tumua parle à peine anglais et se blesse grièvement au genou à son arrivée, le condamnant à une opération ainsi qu’à une année blanche passée aux Samoa pour sa rééducation.
En 2017, il retente sa chance, cette fois avec Auckland… et ça marche! Tumua perce en NPC, le championnat des Provinces – le deuxième niveau du pays – qu’il remporte en 2018, le tremplin attendu pour s’imposer dans le Super Rugby avec les Blues puis les Chiefs et d’attirer l’oeil de la Section paloise qui missionne son centre Conrad Smith, double champion du monde avec les All Blacks, pour le faire venir en France.
Arrivé quasi anonymement en Béarn à la fin de la période Covid, il trouve rapidement ses marques, s’épanouit. « C’est un garçon très important chez nous », glisse l’entraîneur adjoint Antoine Nicoud. « Il pouvait être soliste, il est devenu plus mature sur le terrain, très aligné et connecté avec ses coéquipiers. Un exemple: il n’a jamais été pénalisé sur les quatre derniers mois ».
« Il est intelligent, très instinctif et très professionnel. Tout ce qu’il fait, il le fait bien, tout le temps », le décrit son coéquipier fidjien Jale Vatubua.
– La fierté du père –
Durant trois saisons, Tumua s’affirme (54 matches, 8 essais) et prouve qu’il a le niveau international mais sans en avoir le statut officiel. Une étrangeté qu’il justifie: « Je ne voulais pas me précipiter. Parfois, quand vous faites les choses vite, vous êtes amené à prendre des risques ».
Et puis, après avoir temporisé face aux avances samoanes, le centre, prolongé par Pau jusqu’en 2024, franchit finalement le pas et dit oui à son pays en juin 2022. « Le coach était intéressé par mon profil. J’ai réfléchi et j’ai senti que c’était le bon moment », explique-t-il. « J’ai levé la main pour me déclarer candidat parce que ça a été toujours un rêve pour moi de représenter mon pays. »
Comme pour son changement de nom, ce choix porte aussi la trace d’un hommage familial, au père cette fois. « Il a toujours rêvé qu’un de ses fils joue pour les Samoa. Et qu’il soit fier est important pour moi », précise Tumua, ravi de disputer un nouveau Mondial.
« Il y a dix ans, j’étais jeune, je ne réalisais pas vraiment. Là, je suis plus concerné », poursuit-il. « Ça a été un long chemin, la Coupe du monde, c’est la plus grande compétition, un autre niveau. C’est un aboutissement ».
Les Samoa, versés dans un groupe D difficile avec notamment l’Angleterre et l’Argentine, entrent dans le tournoi contre le Chili samedi à Bordeaux.
© 2023 AFP
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