Sept avants sud-africains sur le banc, une innovation risquée

Adversaire de la France en quarts de finale du Mondial-2023, l’Afrique du Sud, en plaçant sept avants et un seul arrière sur son banc des remplaçants face à l’Irlande, a révolutionné les changements dans le rugby, une innovation audacieuse qui n’est pas sans risque.

« Audacieuse et courageuse » pour Eddie Jones, le sélectionneur de l’Australie, « abusive » pour Matt Williams, son compatriote, ancien sélectionneur de l’Écosse, la stratégie sud-africaine imaginée par le duo Jacques Nienaber, sélectionneur, et Rassie Erasmus, directeur du rugby, a beaucoup divisé le milieu de l’ovalie.

« C’est gonflé, mais ça ne me choque pas », tranche Didier Retière, ancien adjoint de Marc Lièvremont à la tête de l’équipe de France, aujourd’hui directeur du développement à Clermont. « Cela correspond surtout au profil de jeu des Springboks, basé sur le combat, mais aussi sur l’explosivité de leurs avants. Pouvoir changer sept avants dans le même match, c’est l’assurance de jouer à la même intensité pendant 80 minutes, sans baisse de régime en fin de match. »

Erasmus, considéré comme le cerveau, et Nienaber, son fidèle second depuis leurs années communes au Munster en 2016, ont initié cette stratégie lors de leur dernier match de préparation avant le Mondial face à la Nouvelle-Zélande.

– Pari gagnant –

Les Springboks avaient alors humilié les All Blacks 35 à 7, en les dominant physiquement toute la partie. Pari gagnant.

Le duo à la tête de l’Afrique du Sud a réitéré l’expérience lors du choc face à l’Irlande durant la phase de groupe, perdu cette fois 13 à 8, mais durant lequel titulaires et remplaçants sud-africains avaient fait souffrir en mêlée fermée les avants irlandais pendant 80 minutes.

« Ça a marché, mais ce n’est pas sans risque », reprend Retière. « Le revers de cette stratégie, c’est de se retrouver le bec dans l’eau si deux trois-quarts se blessent durant la partie. »

Un « pari » calculé selon Erasmus: « Il faut avoir des joueurs comme Kwagga Smith (troisième-ligne, NDLR), qui ont l’habitude de jouer (au rugby) à sept », insistait-il en mettant en exergue la polyvalence de ses joueurs avant le match face à l’Irlande.

– Le chemin le plus court vers la victoire –

Une « audace » qui relèverait plutôt du pragmatisme, développe Yannick Bru, ancien membre du staff technique de l’équipe de France et connaisseur du rugby sud-africain (il a travaillé avec les Sharks de Durban la saison dernière). « Les Sud-Africains, a-t-il dit dans un entretien accordé à l’AFP, ont un plan à chaque match et le respectent de la 1ère minute à la 82e. (…) Il est toujours mûrement réfléchi, pensé, calibré. (…) Ils se moquent de ce que l’on pense d’eux, ils cherchent le chemin le plus court vers la victoire. »

Si l’innovation du « 7+1 » est aussi un « moyen supplémentaire de mettre la pression psychologiquement » sur son adversaire, selon Retière, il n’est pas du tout sûr qu’Erasmus et Nienaber jugent nécessaire de l’utiliser de nouveau face aux Français, dimanche au Stade de France (21h00).

« Et même si c’était le cas, ce ne serait pas surprenant de leur part », pense l’ancien deuxième-ligne Abdelatif Benazzi, aujourd’hui vice-président de la Fédération française de rugby (FFR). « Face à ce défi, il ne faut pas tergiverser et y répondre en conquête, dans l’intensité, en déplaçant les Sud-Africains, en tenant le ballon. En pratiquant notre jeu en somme. »

« Je trouve même que c’est un risque face à la France », acquiesce l’ancien demi d’ouverture Christophe Lamaison. « Si nous tenons notre fil rouge depuis le début du Mondial, face à ces costauds, on trouvera forcément des espaces dans leur défense à un moment du match. »

© 2023 AFP

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