Mondial-2023: sur les traces de Matthieu Jalibert, perle du Pacifique devenu diamant à Bordeaux

Hasard d’une mutation militaire paternelle, Matthieu Jalibert, frêle blondinet Parisien de cinq ans mais déjà déterminé, s’est initié au rugby sur le Caillou calédonien avant de s’étoffer à Bordeaux où son ascension l’a mené jusqu’au XV de France, opposé vendredi à la Nouvelle-Zélande en ouverture du Mondial-2023.

Raconter l’ouvreur de l’UBB, catalogué comme belle gueule du rugby français, fan de tatouages, d’innovations capillaires et de l’Anglais Owen Farrell, c’est débuter dans un appartement de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) où il est né fin 1998 et a passé ses cinq premières années avec sa soeur Marine, sa mère et son père militaire de carrière amoureux de rugby.

« J’ai toujours suivi mon père, j’allais le voir à tous ses entraînements et ses matchs. Pour moi, faire du rugby était naturel », expliquait-il avant sa première sélection à 19 ans en 2018.

Dans une récente série de tweets affectueux et nostalgiques, Jean-Jacques Jalibert revoyait dans ce même appartement son fils « vêtu de mon maillot des All Blacks mille fois trop grand pour (lui), réalisant avec (Marine) le Haka devant la TV ». Comme une prémonition ?

L’aventure de Matthieu ballon en main, avec son casque noir +Gilbert+ et déjà un tee de buteur jamais très loin, a vraiment débuté à Nouméa où sa famille s’installe fin 2003.

Son père évolue au Stade calédonien dans une équipe dont le capitaine est le papa de Rodrigue Neti, actuel pilier de Toulouse et partenaire à l’époque à l’école de rugby de Matthieu malgré leurs trois ans et demi de différence et des physiques aux antipodes.

– Champion de France UNSS –

« Matthieu était beaucoup plus petit que le reste de l’équipe », se souvient Frédéric Duret, le président du Stade calédonien. « Mais ça ne l’empêchait pas d’aller au contact. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’avait pas peur. »

L’exode sur le Caillou prend fin en 2007 mais le contact ne sera jamais rompu avec son premier club. « Je lui envoie un petit message de temps en temps », poursuit Frédéric Duret. « Je l’avais aussi eu au téléphone avant son premier match en Top 14. On est quand même fier de l’avoir eu avec nous. On avait un diamant brut et c’est Bègles, où il a poursuivi son parcours, qui l’a taillé. »

En Gironde, c’est « une petite crevette » qui débarque comme l’image Éric Vio, responsable de la pré-filière du collège Victor-Louis de Talence. « Mais avec d’énormes qualités rugbystiques. Il avait une vraie appétence à jouer, à prendre l’initiative, à venir défier, avec des qualités de main au-dessus. En Polynésie, ils jouent beaucoup et manipulent beaucoup le ballon. »

Élève brillant, surclassé « car il avait largement le niveau » dixit Éric Vio, Matthieu et sa coupe à la Justin Bieber devient, à 13 ans et demi, champion de France UNSS catégorie U15 en 2012 à Saint-Claude aux dépens de l’entente jurassienne locale de Baptiste Pesenti, actuel deuxième ligne du Stade français.

« Je me souviens de collègues me dire +oh là là, le petit 10 !+ et +c’est toi qui va être champion+ », se remémore l’éducateur. « Pour tous les profs spécialistes, on avait tous vu qu’il avait quelque chose en plus, une grosse qualité, du caractère, une personnalité déjà affirmée pour un U14. Il fallait juste attendre que la nature fasse bien les choses. »

– Recalé du pôle espoirs –

Sa poussée de croissance, Matthieu l’a faite durant sa première année juniors sous les ordres de Julien Antonin, son entraîneur au CABBG: « Avant, ce n’était pas un garçon qui faisait des différences individuelles. Par contre, il faisait très bien jouer les autres, avec une capacité à faire la passe parfaite, un jeu au pied malin, une intelligence, une lecture de jeu et une aisance technique qui compensaient son gabarit. »

« Après, on a vu un garçon doué que j’aime bien comparer à Baptiste Serin qu’on a eu au même âge. Les deux prenaient beaucoup d’initiatives, on sentait qu’ils avaient la passion du rugby en eux et ils arrivaient à faire des choses que les autres ne pouvaient pas faire », ajoute le technicien.

Seul bémol dans l’ascension de ce bourreau de travail, son année d’avance sur le plan scolaire qui l’empêche d’être retenu au pôle espoirs. « Il a sans doute pris ça comme une injustice et ça a été un moteur pour arriver où il en est et se forger ce caractère de gagnant », juge Éric Vio.

Finalement, le remplaçant désigné de Romain Ntamack a fini par l’intégrer par le biais du… rugby à VII grâce à ses qualités de vitesse, sa lecture des espaces et sa faculté à faire des différences. Toute une panoplie qui le caractérise pleinement encore aujourd’hui que ce soit à l’UBB ou en Bleu.

© 2023 AFP

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