A l’URC Dumbéa, où il a touché ses premiers ballons, le talonneur du XV de France Peato Mauvaka, qui, après une prestation très remarquée contre la Nouvelle-Zélande en ouverture du Mondial-2023, sera à nouveau remplaçant jeudi face à l’Uruguay, est un exemple pour les jeunes Calédoniens.
Entré à la 12e minute à la place de Julien Marchand, blessé à la cuisse, le joueur du Stade toulousain s’est dépensé sans compter jusqu’à la fin de la rencontre (10 plaquages, 75 mètres parcourus, 2 franchissements), remportée par les Bleus sur les All Blacks (27-13). Une performance qu’il a attribuée à « l’adrénaline » qui lui a fait « (oublier) un peu la fatigue ».
« C’était un match un peu particulier pour moi: il y avait ma famille, ma mère, dans les tribunes », venus tout spécialement de Nouvelle-Calédonie où Mauvaka (26 ans, 25 sélections, 6 essais) a découvert le rugby.
Ce soir d’août, au coeur de l’hiver austral et malgré les vacances scolaires, une cinquantaine de jeunes de tous âges s’échangent des ballons sur le terrain de l’Union Rugby Club de Dumbéa (URCD). Parmi eux, ils sont nombreux à rêver d’égaler les exploits de l’enfant du pays.
Comme eux, le talonneur des Bleus est originaire de cette banlieue de Nouméa en pleine expansion, où ont poussé ces dix dernières années des milliers de logements sociaux et de pavillons destinés à accompagner la croissance démographique de l’agglomération.
Comme eux aussi, il est issu de la forte communauté wallisienne vivant en Nouvelle-Calédonie: « 90% de nos joueurs sont Wallisiens ou Futuniens, confirme Taofifenua Falatea, le président de l’URC. Le rugby chez nous, c’est un moyen d’émancipation ».
Celui que tout le monde ici appelle « Tao » en sait quelque chose. Il est le père de Yoram Moefana et le frère de Sipili Falatea, eux aussi dans la liste des 33 Bleus.
– « Coup de projecteur » –
Il fait partie de cette génération de joueurs qui a ouvert la voie en tentant une carrière en métropole au début des années 2000. De cette époque, il a gardé une conviction: « On a un vrai potentiel, mais les jeunes que l’on fait partir, ils doivent le faire avec un contrat ou une convention ».
Alors, le club mise sur la formation et sa réussite impressionne jusque dans l’Hexagone: 15 de ses joueurs se sont envolés pour la métropole, contrat pro à la clef, soit près d’un par an pour un total de 220 licenciés.
« On est en régionale 3, c’est-à-dire 12 divisions en-dessous du Top 14, mais nos gamins arrivent quand même à prendre des places, sourit Tao. La réussite de Peato nous a donné un coup de projecteur, on ne va pas se mentir, mais le travail a commencé bien avant et on compte bien le continuer ».
« Il y a un peu plus de 1.100 licenciés en Nouvelle-Calédonie, il en faudrait au moins 2.000 et, surtout, on voudrait que le sport s’ouvre aux autres communautés, là on pourrait faire de grandes choses », espère-t-il.
A commencer par développer l’échelon local, voire régional en s’associant avec Wallis-et-Futuna, rêve la direction de l’URCD.
Car si la Nouvelle-Calédonie est dotée d’un pôle espoirs, les jeunes qui y sont sélectionnés manquent cruellement d’adversaires pour développer leur jeu.
« Le potentiel seul, ça ne mène pas à grand-chose, d’autant qu’on est loin. C’est compliqué pour les clubs de venir voir les joueurs chez nous », poursuit Patrick Larget, vice-président du club et responsable de l’école de rugby.
– Doublé –
Après plusieurs années de partenariat avec le Stade toulousain, l’URCD s’est désormais associée avec l’ASM Clermont-Auvergne. Ces relations permettent de garder le lien avec la métropole, de tisser un réseau, mais aussi de former les éducateurs locaux.
« On a vraiment misé sur l’école de rugby, c’est ça qui nous permet maintenant de voir plus loin », lance Patrick Larget.
L’effet Coupe du monde devrait aider à grossir les rangs du club, de même que les performances attendues d’un joueur déjà entré dans l’histoire.
« Vous en connaissez beaucoup, vous, des joueurs qui ont marqué deux fois dans le même match contre les All Blacks ? », rappelle un bénévole.
Un doublé inédit pour l’équipe de France, signé en novembre 2021, quelques mois après le dernier passage de Peato Mauvaka sur son île natale où, à chaque fois, il revient s’entraîner avec son club de coeur.
Ici, pas de photo du fils prodigue, par ailleurs parrain de la section handi-rugby, mais deux de ses maillots encadrés: celui du Stade toulousain et celui du XV de France.
Comme un exemple du chemin à suivre.
© 2023 AFP
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