Auckland, 9 nov 2022 (AFP) – Kévin Rouet, le sélectionneur français du Canada, explique avoir pris « le meilleur » de l’Angleterre et de la France pour former ses joueuses, seules amatrices du dernier carré et qui affronteront samedi les Bleues pour la médaille de bronze du Mondial, dans un entretien mercredi à l’AFP.
Q: Même si vous avez toujours baigné dans le rugby, vous êtes ingénieur de formation: comment vous êtes-vous retrouvé à la tête du XV canadien?
R: « Quand je suis arrivé au Québec en 2009 dans le cadre de mes études aux Arts et Métiers, j’ai découvert que le rugby à XV était plus un sport féminin que masculin. J’ai commencé à entraîner clubs, écoles et équipes universitaires tout en travaillant. Puis j’ai décidé de vivre à 100% du rugby en 2017, c’était un gros pari à l’époque. Comme j’avais un peu de succès, j’ai été appelé comme assistant de l’entraîneur principal du XV féminin et, quand au printemps il a été remercié, j’ai été promu. Comme cela est arrivé finalement en France ou en Nouvelle-Zélande ».
Q: Certes, mais pas avec les mêmes moyens puisque vos joueuses sont totalement amateurs…
R: « Oui, et pour cette raison, le Covid a été très dur avec nous: le sport s’est totalement arrêté, on n’a pu faire aucun regroupement pendant un an. Certaines filles sont parties jouer en France, à Bordeaux et Lons notamment, ou en Angleterre, où elles ont découvert un autre type de rugby. Sauf que celles restées au pays n’ont pas eu cette chance, et quelques unes ont arrêté pour trouver un travail. Durant la Coupe du monde, elles sont certes défrayées par Rugby Canada mais la Fédération n’a pas les moyens de leur faire des contrats, elle fait ce qu’elle peut, ça s’améliore, mais les joueuses doivent encore faire des sacrifices: certaines ont quitté leur travail ou ont pris une année sabbatique. On a fait jouer la débrouille, pour l’hébergement et les transports, en lançant des cagnottes par exemple ».
Q: Êtes-vous satisfait de votre parcours?
R: « Malheureusement, on a raté notre objectif, on venait pour gagner cette Coupe du monde! On est ultra déçu. Et on rate de pas grand chose (défaite en demi-finale face à l’Angleterre 26-19, ndlr), ça se joue sur des détails, c’est frustrant. Mais c’est le manque d’expérience, de maturité: sur ces cinq dernières années, l’Angleterre a joué 40/50 matches quand on en a disputé 22. Collectivement, on a travaillé fort et individuellement, chacune a une éthique et une rigueur de travail extraordinaire, je n’ai pas besoin de les pousser. En fait, l’équipe canadienne est un mélange de la France et de l’Angleterre – un tiers de mes filles sont québécoises. Nous, on prend le meilleur des deux mondes, anglo-saxon et français ».
Q: Que voulez-vous dire?
R: « On va être très solide sur les mêlées, les mauls et au pied, et on est aussi capable de proposer un jeu un peu déstructuré à la française. Et puis on aime beaucoup s’adapter à l’adversaire, trouver ses faiblesses. Mes filles réfléchissent beaucoup à tout ça. Comme le Canada est fait de cultures différentes, on s’inspire de tout ce qui est bien, ça fait partie de notre ADN et c’est comme ça qu’on voit le rugby aussi. En France, vous avez des joueurs de rugby qui deviennent des athlètes et nous, on a des athlètes à qui on apprend à jouer au rugby ».
Q: Quel est votre pronostic pour samedi?
R: « Déjà, je suis fier de mes filles car on a rattrapé en très peu de temps des équipes qui semblaient inaccessibles. Il y plusieurs facteurs à prendre en compte, mais pour une médaille de bronze, peu importe comment tu joues, il faut gagner ».
Propos recueillis par Laure BRUMONT.
© 2022 AFP
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