Arrivé l’été dernier dans les valises de Yannick Bru pour diriger l’attaque de l’Union Bordeaux-Bègles, opposée samedi à Bristol, l’Irlandais Noel McNamara s’illustre par une méthode singulière forgée au gré d’un parcours d’autant plus atypique qu’il n’a jamais joué au rugby.
Le stade Chaban-Delmas, meilleure affluence d’Europe, McNamara l’avait découvert la saison dernière en croisant l’UBB avec les Sharks lors de la phase de groupes de la Champions Cup. « Mais comme les supporters n’étaient pas pour nous, ce n’était pas la même chose », sourit celui qui entraîne désormais chaque matin Jalibert, Lucu, Bielle-Biarrey, Moefana, Penaud… l’une des plus belles lignes arrières du championnat de France.
« C’est pas mal, oui, d’avoir des joueurs comme ça. Une belle opportunité », reconnaît-il dans un français déjà bien compréhensible après quatre mois d’apprentissage.
Noel McNamara, 41 ans, fils d’un agriculteur et d’une infirmière sage-femme, a d’abord tâté du football gaélique, sport-roi dans son comté, avant qu’une rencontre à l’Université de Limerick, où il étudie l’éducation physique et les mathématiques, ne l’oriente vers le rugby qu’il n’a jamais pratiqué.
« C’est un mec qui était professeur avant », raconte à l’AFP Ronan O’Gara, le manager irlandais de La Rochelle qui a croisé McNamara pour la première fois en novembre lors de la visite de l’UBB à Deflandre. « Il a un message intéressant à délivrer. Mais débuter en France, c’est dur », ajoute-t-il. « Souvent, ce qui compte, ce n’est pas ce que tu dis mais comment tu le dis. Il faut avoir de la présence et rester fort devant un groupe, surtout si c’est un nouveau groupe. C’est son défi. »
– Biberonné au Leinster –
« Instruire, diriger, éduquer » pourrait être la devise de celui qui a débuté au Clongowes Wood College, pas très loin de Dublin, en quête d’un entraîneur de rugby. « J’ai dit aux élèves de +faire de leur obsession leur métier+, de ne pas avoir peur de prendre des risques et de faire des choix courageux », dit-il à l’époque.
McNamara y reste neuf ans en multipliant les lectures sur le jeu et le coaching, pour se perfectionner, jusqu’à ce que les bons résultats de ses équipes n’attirent l’oeil du Leinster voisin: le quadruple champion d’Europe lui confie ses équipes de jeunes jusqu’à la réserve, puis la direction de son académie.
En parallèle, la Fédération irlandaise le recrute pour s’occuper des moins de 18 puis des moins de 20 ans engagés dans le Tournoi des six nations, dont il garde « le souvenir de matches difficiles à gagner contre la France ».
« Pour moi, le rugby, ce sont des personnes, c’est créer des connexions entre elles pour rendre chacune meilleure. L’opinion des joueurs est très importante, je suis pour l’échange », résume-t-il.
Ce besoin d’ouverture le mène quatre mois à North Harbour en Nouvelle-Zélande, avant un passage par l’Afrique du Sud où il tente sa chance comme entraîneur des arrières et de l’attaque des Sharks. « J’ai pris une route différente pour devenir coach mais j’aime beaucoup mon chemin. Lors de chaque expérience, j’ai appris. »
– L’étincelle, puis la flamme –
A Durban, son travail et sa personnalité séduisent Yannick Bru, parti lui aussi dans l’hémisphère Sud découvrir une autre facette du rugby, qui le convainc de rejoindre Bordeaux avec lui. « Nous allons essayer de faire en sorte que l’UBB ait un côté imprévisible qui nous tient à coeur », promettait le manager girondin cet été.
Depuis, McNamara fait l’unanimité. « Franchement, j’adore Noel », reconnait Matthieu Jalibert. « Je ne le connaissais pas, il a été formé à l’école irlandaise mais il a compris qu’ici en France, on a aussi besoin de liberté et d’un peu de +french flair+. Il a de supers idées, il est super fort au niveau de l’analyse, arrive à trouver les faiblesses de l’adversaire. Ce que l’on a à faire sur le terrain, c’est vraiment clair. On prend beaucoup de plaisir à travailler avec lui et ça se ressent aussi sur le terrain. »
« Quand je parle avec eux le matin », abonde McNamara, « je vois l’étincelle dans leurs yeux. Maintenant on essaye de créer la flamme. »
L’UBB l’a peut-être déjà trouvée. Depuis le retour de tous ses internationaux, elle tourne à près de cinq essais par match (19 en quatre rencontres), portée par l’irrésistible Damian Penaud (huit essais). Premier défi relevé avant Noël pour Noel.
© 2023 AFP
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