Sarah Chlagou raconte avoir vécu un enfer dans sa tête, après des commotions

Paris, 23 nov 2022 (AFP) – « Je me sentais sombrer dans la folie »: la Rennaise Sarah Chlagou, contrainte d’arrêter le rugby après deux commotions en 2019, vit depuis « une descente aux enfers ». Comme elle, d’anciens joueurs ont décidé de « libérer la parole » sur le sujet en France, et de saisir la justice.

« Le 19 octobre 2019, j’ai fait une commotion et, en décembre suivant, lors de mon match de reprise, une deuxième », raconte à l’AFP la deuxième ligne qui, après avoir suivi pendant six mois le protocole habituel, n’a plus jamais joué à son meilleur niveau, jusqu’à devoir arrêter le rugby en janvier 2021.

Le parcours médical pour obtenir un diagnostic, durant lequel elle n’était soignée qu’avec des antalgiques, s’est révélé long et éprouvant. Aujourd’hui, elle souffre toujours de « grosses séquelles: névralgies faciales, douleurs dans le dos, crises d’angoisse, changements d’humeur… »

Et elle raconte avoir vécu un enfer dans sa tête: « je voulais jouer mais je devenais cinglée tellement j’avais mal tout le temps, le nombre de fois où j’ai pété les plombs à l’entraînement, où j’ai terminé en pleurs dans ma voiture… ».

– « Hulk » –

A la moindre contrariété, elle pique des crises de colère énormes: « J’avais l’impression de me transformer en Hulk, je me sentais sombrer dans la folie », confie-t-elle, ayant compris depuis avoir fait à l’époque « une grosse dépression ».

D’autres joueurs ayant évolué dans les championnats français entre 2003 et 2022, dont les internationaux canadien Jamie Cudmore et néo-zélandais Carl Hayman, ont décidé de prendre à bras-le-corps le problème des commotions: aidés de deux avocats, Mes Nino Arnaud et Foucauld Prache, ils comptent déposer un recours devant la justice administrative contre la Fédération française de rugby (FFR) et la Ligue (LNR) « en tout début d’année prochaine ».

Cette procédure, qui fait écho à celle intentée en décembre 2020 par une centaine d’anciens rugbymen contre World Rugby et les Fédérations anglaise et galloise, est « une première en France » selon Me Arnaud, avocat au barreau de Marseille.

Dans un courrier adressé à la FFR et à la LNR, les deux avocats affirment que « la survenance des différents troubles affectant » leurs clients (lésion cérébrale permanente, démence précoce, épilepsie post-traumatique, maladie de Parkinson, dépression), « aurait pu être évitée » si ces instances, organisatrices des compétitions en France, « avaient rempli leurs obligations respectives de sécurité, de prudence, de diligence et d’information ».

« Ce qu’ils veulent tous, c’est que le rugby (..) n’aille pas à sa propre perte: car si on continue comme ça à nier la gravité du phénomène, un jour ou l’autre, on ne pourra plus faire du rugby comme on le pratique actuellement », explique Me Arnaud à l’AFP.

– « Jamais plus comme avant » –

« C’est un sujet qui est vachement sensible », ajoute-t-il. Le but de leur démarche est surtout de « libérer la parole », poursuit l’avocat, qui évoque des joueurs actuellement « dans des cas de détresse », dont certains « sont très seuls, complètement isolés et abandonnés par l’institution ».

Selon lui, « ils savent qu’ils ne peuvent pas espérer récupérer, compte tenu du système judiciaire français, des millions de dollars, mais ce qu’ils veulent, c’est participer à une prise de conscience réelle et une amélioration de la règlementation ».

Et l’avocat de souligner: « ils n’ont pas d’aigreur, ils sont dans une logique de vouloir faire avancer les choses ».

Dans une déclaration commune, les deux instances du rugby français, la FFR et la LNR, ont dit travailler « sur ces questions depuis des années avec le plus grand sérieux » et ont affirmé « prendre acte de cette démarche », à laquelle elles « donneront les suites qu’elles jugeront légitimes ».

Désormais suivie par le neurologue Jean-François Chermann -spécialiste des commotions contacté via le syndicat des joueurs Provale-, une hypnothérapeute et une kiné, Sarah Chlagou se soigne et s’est lancée dans une démarche pour obtenir le statut de travailleur handicapée.

Mais le plus dur, confie-t-elle, « c’est la réadaptation à mon quotidien et l’acceptation au jour le jour que je ne serai jamais plus comme avant ».

© 2022 AFP

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