« On ne voulait pas que le match s’arrête »: Toulouse et Bordeaux-Bègles se retrouvent dimanche en clôture de la 4e journée de Top 14 trois mois après leur finale à sens unique (59-3) et un dernier essai improbable, reflet de « l’état d’esprit » rouge et noir.
La sirène avait retenti depuis plus d’une minute dans les travées incandescentes du stade Vélodrome et les Toulousains tenaient déjà, de loin, le plus gros écart de l’histoire en finale du championnat.
Ils auraient pu tranquillement sortir le ballon, laisser éclater leur joie et mettre un terme au supplice de leur adversaire, mais ils ont préféré tenter une ultime « relance du parking », conclue une centaine de mètres plus loin par Ange Capuozzo.
« On savait que le match était terminé après l’essai de David Ainu’u (à la 79e minute) », raconte à l’AFP Peato Mauvaka, à l’origine de l’action. « En se replaçant pour le renvoi, je demande à Thomas Ramos (passé capitaine) si on va en touche ou si on continue à jouer. Il m’a dit qu’on continuait à jouer, pour le bien du rugby ».
Servi dans son propre en-but, le talonneur international accélère sous les poteaux. Il casse un plaquage et passe après contact, chose rare, à l’autre talonneur toulousain, Julien Marchand, à son tour relayé par Paul Graou et Capuozzo, qui se joue de Damian Penaud pour aller planter en coin le dernier clou dans le cercueil girondin.
Symbole du jeu à la toulousaine, du plaisir que cette génération dorée semble prendre à évoluer ensemble, cet essai a également pu être perçu comme un manque d’indulgence envers des adversaires touchés et résignés, qui avaient déjà largement eu leur compte.
« Des gens diront que c’était une humiliation et d’autres que c’était par respect pour eux. Je ne me mets pas dans un camp », répond Mauvaka. « On ne voulait juste pas que le match s’arrête ».
– « Confiance extraordinaire » –
« L’idée n’était pas de leur mettre la tête sous l’eau et de les enfoncer encore plus profondément », appuie Clément Poitrenaud, entraîneur des arrières des doubles champions de France en titre. « Ils passaient un bon moment, ce qui n’était certainement pas le cas des Bordelais, et avaient envie que ça dure ».
« Ça reflète l’état d’esprit des garçons. Quand tu es coach, c’est évidemment beaucoup de fierté. Ils ont encore cette capacité à nous surprendre », ajoute-t-il. « On était dans un niveau de confiance extraordinaire, monstrueux. Ils auraient pu tenter n’importe quoi et ça aurait fonctionné ».
Avant la revanche de dimanche soir (21h05) au stade Ernest-Wallon, l’ancien arrière international ne veut pas seulement garder en mémoire cette estocade collective.
« On retient évidemment ce genre d’essais du Stade toulousain. Il y en a eu dans différentes finales. Celui de Denis Charvet en 1989, celui de Maxime Médard en 2008… », rappelle Poitrenaud.
« Notre état d’esprit, c’est aussi celui du combat, de la conquête et de la défense », souligne-t-il. « Ce qu’il faut surtout retenir, c’est par exemple la première action du match, où on perd le coup d’envoi, on défend pendant trois minutes et on finit par les faire reculer de 20 mètres. C’est aussi un des symboles de cette finale ».
Nommé pour le titre du plus bel essai de la saison dernière en Top 14, celui de Capuozzo n’a finalement pas été récompensé lundi à l’occasion de la Nuit du rugby à Paris.
Le grand public lui a préféré la longue course folle de l’ailier fidjien du Stade français Peniasi Dakuwaqa, qui a pris de vitesse à lui seul toute la défense du Racing 92. Une autre forme d’humiliation.
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