Paris, 27 avr 2023 (AFP) – Ancienne internationale française à XV et à VII qui évolue dans le club anglais des Harlequins, Lénaïg Corson est bien placée pour comparer la France et l’Angleterre avant leur duel samedi en « finale » du Tournoi des six nations: « on n’a rien à envier aux Anglaises », assure à l’AFP la deuxième ligne.
Q: Après avoir annoncé votre retraite internationale fin août, vous avez tenté l’aventure anglaise en signant avec les Wasps juste avant qu’ils ne fassent faillite. Comment l’avez-vous vécu ?
REPONSE: « Galère, archi-galère ! Je vivais un super truc depuis six semaines: j’étais bien intégrée, je sentais que j’apportais quelque chose aux filles, un peu de +french flair+ à l’équipe, je progressais en anglais… Et d’un coup, l’apocalypse ! Comme j’étais décidée à arrêter ma carrière en Angleterre, je n’ai pas lâché l’affaire et j’ai cherché un nouveau club, un nouveau job, il me fallait un visa pour jouer et travailler. C’était assez angoissant, je me disais +mais de quoi je vais vivre ?+. Or, tout est cher ici. C’est la crise après le Brexit, les transports… Ça a été compliqué, une vraie épreuve, des doutes, pas de soutien. Donc, en janvier, après avoir signé aux Harlequins, qui ne me payent +que+ mon loyer, j’ai décidé d’arrêter définitivement le rugby en juin. »
Q: L’Angleterre est N.1 mondiale, le championnat anglais réputé le meilleur du monde. Qu’en pensez-vous ?
R: « Dans la Premiership anglaise évoluent les meilleures joueuses du monde: elles sont puissantes, très pragmatiques dans les zones de marque, très professionnelles dans leur préparation, avec un staff très +pro+. Tout le monde est motivé et remonté à bloc, chacune travaille comme une dingue, avec une concurrence saine: aux Quins, il y a vingt-sept internationales sur cinquante joueuses ! Mais ça, c’est la partie émergée de l’iceberg car ce qui m’inquiète un peu pour les Anglaises, et qui me donne de l’espoir pour l’avenir du rugby en France, c’est la façon dont on y apprend le jeu. »
Q: La formation serait moins performante en Angleterre ?
R: « En France, on apprend le rugby de façon intelligente, en s’adaptant à l’adversaire, en étant un peu +free style+. C’est pourquoi on est bon dans le jeu de mouvement, on a de la cohérence balle en main et on est excellent en défense. On cherche à comprendre pourquoi on fait les choses et on nous donne le temps pour apprendre à lire le jeu périphérique, alors qu’en Angleterre on met des oeillères. On met les joueuses dans des cases, rendant le système de jeu très lisible, très basé sur le contact et avec peu de capacité d’adaptation surtout. »
Q: Vous êtes donc plutôt optimiste pour le rugby français ?
R: « En France, on donne beaucoup plus la chance à nos jeunes de jouer en Elite. Le fait qu’il y ait moins d’étrangères dans notre championnat préserve notre formation. Les Anglaises sont meilleures sur la gestion de leurs temps forts mais ça s’apprend et très vite. En revanche, avoir une intelligence de jeu, s’adapter aux adversaires, met plus de temps. Nos jeunes Françaises savent jouer ainsi et c’est ça qui fera la différence. Le système anglais aujourd’hui est en crise: on le voit peu chez les filles, parce qu’elles sont sur une génération presque invincible, mais ça ne propose rien de fou, c’est très plan-plan. Pour l’instant, ça marche mais je pense qu’on n’a rien à envier aux Anglaises. »
Q: Que pensez-vous du récent parcours de l’équipe de France ?
R: « Pour moi, ça s’est mal terminé, j’étais +blacklistée+. Mais elles ont vécu de ces ascenseurs émotionnels ! Dès la +prépa+ au Mondial, il y avait énormément de tension entre staff et joueuses. La confiance était rompue. Or c’était un groupe énorme et ce qu’elles ont réussi à faire à la Coupe du monde, dans ces conditions. Chapeau ! Quant à ce Tournoi, j’ai envie de dire +no stress, apprenez à jouer ensemble et, surtout, honorez le maillot+. »
Propos recueillis par Laure BRUMONT
© 2022 AFP
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