L’ex-ouvreur légendaire de la Nouvelle-Zélande Dan Carter, qui profite du Mondial en France pour promouvoir son livre, « L’art de vaincre », estime que les All Blacks peuvent encore gagner la compétition malgré leur défaite inaugurale face à la France vendredi (27-13), dans un entretien accordé lundi à l’AFP.
QUESTION: Pourquoi avoir écrit un livre si vite après la fin de votre carrière, en février 2021 ?
« Cela m’a aidé dans la transition vers mon après-carrière. Ce n’est ni une autobiographie, ni l’histoire de ma carrière. Ce sont davantage des leçons que j’ai apprises eu pratiquant un sport professionnel pendant près de 20 ans. Et je crois que ces leçons peuvent servir à beaucoup de gens, de n’importe quel horizon ou âge. »
Q: Qu’avez-vous pensé des premiers matches du Mondial?
R: « Ils m’ont confirmé à quel point cette Coupe du monde va être serrée. Il y a probablement cinq ou six équipes qui pourraient la remporter. Il va y avoir des surprises, des outsiders vont s’affirmer. C’est ce qui la rend si passionnante. »
Q: Un favori s’est-il affirmé ?
R: « Non, mais l’Irlande m’a vraiment impressionné. On parle plus de la France et de l’Afrique du Sud, parce que l’Irlande a joué contre la Roumanie. Mais ils ont aligné leur meilleure équipe face aux Roumains et ils les ont logiquement explosés (82-8). »
Q: Et la Nouvelle-Zélande ?
R: « Leur défaite face à la France est due à leurs vingt dernières minutes. Ils se sont créé des occasions de marquer et ne les ont pas converties. En Coupe du monde, il faut absolument capitaliser sur ses temps forts. C’est leur point d’amélioration. »
Q: Les Néo-Zélandais peuvent-ils être champions du monde ?
R: « Ils ont les joueurs pour gagner la Coupe de monde. Ils ne sont plus les N.1 mais je suis très confiant dans leur capacité à se qualifier pour les quarts de finale. Ensuite, il suffit d’enchaîner trois bonnes performances. Je crois fermement qu’ils disposent de l’équipe pour y parvenir. »
Q: N’y a-t-il pas néanmoins un problème de fond dans le rugby néo-zélandais?
R: « Je ne crois pas. Mais il est certain que le rugby subit beaucoup plus de concurrence d’autres sports: le basket avec la NBA, le foot (la Nouvelle-Zélande a co-organisé cet été le Mondial féminin, NDLR). Les jeunes sont attirés par ces sports et le défi pour le rugby, c’est de rester le sport N.1. Mais il a des arguments. La promotion des Black Ferns (la sélection féminine) est un bon exemple. Elles représentent une source d’inspiration pour les filles qui veulent faire du rugby. Il faut que, chez les garçons, les All Blacks continuent d’inspirer la prochaine génération. »
Q: Pourquoi certains talents néo-zélandais partent-ils jouer au Japon, en France, au Royaume-uni?
Q: « Je vois deux raisons. Des raisons économiques, même si on ne gagne pas beaucoup plus d’argent à l’étranger, et des raisons familiales. Au Japon, en Angleterre ou en France, on peut jouer au rugby et construire une famille. C’est ce que j’ai fait. Les compétitions en Nouvelle-Zélande vous envoient en Australie, en Afrique du Sud, en Argentine, loin de vos proches. Mais j’ai joué un peu partout dans le monde et je reste convaincu que le meilleur rugby se pratique encore en Nouvelle-Zélande. C’est le rugby le plus stimulant, le plus exigeant et le plus amusant en même temps. »
Q: Qu’avez-vous pensé de la performance des Français face à vos compatriotes ?
R: « Dans le stade, lorsque le coup d’envoi a été donné, ce qui m’a le plus impressionné, c’est à quel point la France était poussée par tout un peuple et à quel point elle savait s’en servir. Ce qui n’a pas toujours été le cas. L’équipe donne cette impression de jouer pour quelque chose de bien plus grand qu’elle-même. J’en ai fait l’expérience lors de la Coupe du monde 2011. Disputer un Mondial dans son pays, c’est évidemment un surcroît de pression, mais si vous demandez à n’importe quel rugbyman où il voudrait jouer un Mondial, il vous répondrait dans son propre pays. Et je le ressens fortement avec la France. »
Q: Sur le plan du jeu, la France vous impressionne-t-elle également ?
R: « La France a toujours été une nation dangereuse, capable de battre n’importe quelle équipe. J’en ai fait l’expérience en 2007 (défaite en quart, NDLR). Il y a eu la demi-finale de 1999 (remportée aussi par la France). Mais souvent après un exploit, elle s’effondrait. Ce groupe, son staff a changé tout cela. Ce qui me frappe, c’est sa cohérence, la force collective qu’il dégage: il y a des blessés importants, beaucoup d’attente et de pression et ça n’a pas l’air de les déranger. Ils avaient dit qu’ils battraient les All Blacks en match d’ouverture et ils l’ont fait. C’est en cela que cette équipe est très différente des précédentes. »
Propos recueillis par LEO HUISMAN
© 2023 AFP
Sexy Rugby : Boutique Rugby