Talonneur du XV de France en 2015, Guilhem Guirado (37 ans, 74 sél.) revient auprès de l’AFP sur la claque infligée par la Nouvelle-Zélande (62-13) en quart de finale du Mondial cette année-là, qui a permis de tout changer au sein des Bleus.
Q: Malgré son statut de finaliste de la Coupe du monde 2011, l’équipe de France termine dernière du Tournoi 2013 et offre peu de garanties lors du Mondial suivant. Comment l’expliquez-vous?
R: « Ce n’est pas forcément un creux générationnel, plus un changement de génération avec des joueurs essayés, changés. Cela fait un groupe parsemé. Il n’y a jamais eu de continuité. Moi-même, je n’étais pas partie prenante au début de l’aventure avec le nouveau staff, j’ai fait ma place et j’ai réussi à jouer à partir de 2014. Mais le plus défavorable, c’était les conditions dans lesquelles on pouvait prétendre jouer avec l’équipe de France. On était vraiment partagé avec le club, il n’y avait pas d’accord avec les instances. »
Q: Comment se passe la préparation à cette édition 2015 du Mondial?
R: « Elle est assez simple. On a pris tellement de retard, on est tellement rincés et épuisés par le rythme démentiel du championnat et du parcours en équipe de France… Certains jouent 34-35 matches de moyenne, soit dix de plus, en comparaison, que les joueurs de l’hémisphère Sud. On se dit qu’on n’est pas du tout logés à la même enseigne, nos corps ne sont pas habitués. Tout est donc misé sur la préparation physique. Malheureusement, le rugby est un peu délaissé pour que l’on puisse prétendre jouer dans la même cour au niveau physique. Et on va s’apercevoir que le retard rugbystique aura été trop présent pour qu’on puisse dominer de la tête et des épaules, même contre les équipes dites +moins fortes+. »
Q: Vous en pâtissez en poule contre l’Irlande (24-9) mais surtout en quart de finale contre les Blacks (62-13)?
R: « C’est ça, c’est la plus grosse claque du rugby français en Coupe du monde. On la prédisait depuis des années. On a vraiment vu deux équipes de niveau complétement différents, diamétralement opposés. Même s’ils ont eu un peu plus de difficultés contre les Sud-Africains en demi-finale et l’Australie en finale, les All Blacks étaient dans une autre dimension. Ils finissent champions du monde après avoir fait une année 2014-2015 de tous les records. »
Q: C’est une tâche indélébile mais qui a été salvatrice selon vous?
R: « Bien évidemment que ça restera comme une trace indélébile par rapport au cycle précédent dans lequel on était à deux points d’être champion du monde. Quelques années après, on s’est aperçu que c’était l’arbre qui cachait la forêt et que l’équilibre était très fragile. Il ne fallait pas s’asseoir sur son canapé et se taper le ventre, il fallait être un peu plus avant-gardiste et dans l’air du temps, avoir deux coups d’avance sur le futur car ça va très très vite. Il y a des équipes qui l’ont très bien vu arriver et l’ont anticipé. Nous, pendant des mois et des années, on a subi un petit peu en essayant de mettre des rustines sur des grosses crevaisons. Cette claque a permis à tout le monde de se dire +Maintenant il faut agir et trouver des solutions+, d’ouvrir les yeux en se disant que même au niveau de l’hémisphère Nord, on n’était plus à notre place. Qu’il fallait absolument tout revoir et travailler main dans la main au niveau de la Fédération, des clubs et de la Ligue. »
Q: La meilleure réponse à tout cela, ce sont les titres mondiaux en U20, ceux de la génération Dupont…
R: « Exactement. C’est une génération que j’ai vue arriver. Antoine (Dupont), Greg (Alldritt), Romain Ntamack… On savait qu’ils étaient pétris de talent, de qualités. Cela a permis d’apporter un vent de fraîcheur dans les clubs, qui ont pu s’appuyer sur des joueurs jeunes dotés d’une expérience assez importante déjà à 23-24 ans. C’est assez incroyable d’avoir des joueurs aussi matures. C’est pour moi le gros renouveau qui a fait prendre conscience qu’on était à des années-lumière des autres fédérations et qu’il fallait à tout prix y remédier. »
Propos recueillis par Raphaël PERRY
© 2023 AFP
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