Fils barbelés, bombes de farine et annulation de match: les Néo-Zélandais ont encore en mémoire la tournée des Springboks en 1981, marquée par de violentes manifestations contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud.
Alors que les All Blacks et les Springboks s’affrontent en finale de Mondial samedi, il y a quarante-deux ans l’Afrique du sud – équipe phare d’un pays sous régime d’apartheid et boycotté sportivement par une grande majorité de pays – était invitée par la fédération néo-zélandaise pour une tournée.
Seize ans après la dernière visite sud-africaine en Nouvelle-Zélande, la tournée divise la société néo-zélandaise, entre les admirateurs du rugby, sport-roi dans le pays, et ceux refusant la venue des Springboks, symbole du régime d’apartheid en place depuis 1948.
« Cela a divisé le pays, vous étiez soit pour, soit contre, il n’y avait pas de juste milieu », raconte à l’AFP l’ancien ailier des All Blacks, Stu Wilson, âgé de 69 ans.
Une invitation qui divise jusqu’au sein de l’équipe néo-zélandaise, le capitaine de l’époque Graham Mourie et le centre Bruce Robertson refusant d’affronter les Sud-Africains pour des raisons politiques.
– Match annulé –
A Hamilton, les manifestants arrivent même à faire annuler un match, en entrant sur la pelouse et se tenant par le bras, ce qui déclenche plusieurs scènes de violence.
« Nous ne voulions pas seulement manifester et brandir des banderoles, nous voulions essayer de faire arrêter cette tournée », raconte à l’AFP John Minto, le leader du groupe de manifestants HART, un mouvement contre le racisme, qui faisait partie des manifestants à Hamilton.
« J’ai été blessé à plusieurs reprises au cours de la tournée, j’ai fini deux fois à l’hôpital à Hamilton cette nuit-là pour des points de suture », après avoir été touché par des objets lancés par des supporters de rugby furieux, raconte John Minto, aujourd’hui âgé de 70 ans.
En 1995, lors d’une visite en Nouvelle-Zélande du président sud-africain Nelson Mandela, John Minto apprend que la nouvelle de l’annulation du match à Hamilton était arrivée jusqu’à lui, alors qu’il était emprisonné en tant que figure de la lutte anti-apartheid.
« Mandela m’a raconté que lorsqu’ils ont appris que le match avait été interrompu en raison d’une manifestation, les prisonniers ont fait claquer les portes de leurs cellules pour célébrer », raconte-t-il.
Après Hamilton, la violence monte d’un cran dans les rues. D’un côté, la répression policière des manifestations s’accroit, la police n’hésitant pas à utiliser des matraques pour disperser la foule, de l’autre les manifestants répondent avec des bâtons et se protègent grâce à des casques de moto.
– « Zone de guerre » –
Pour le troisième et dernier test-match de la tournée à l’Eden Park d’Auckland, les autorités entourent le terrain de fils barbelés et plus de 2.100 policiers, soit 40% de l’ensemble des forces de l’ordre du pays, sont déployés.
Pourtant, lors du match, des manifestants survolent le stade en avion et lancent des « bombes » de farine sur les joueurs, touchant même le All Black Gary Knight. Stu Wilson est également blessé du fait d’hameçons jetés sur le terrain.
Les Néo-Zélandais, arrachent la victoire (25-22) et Stu Wilson, auteur d’un essai, se souvient du soulagement qu’il a ressenti lorsque son arrière, Allan Hewson, scella la victoire all black avec une pénalité.
« Nous savions que si nous perdions, et avec un pays déjà autant divisé, ce serait encore pire », raconte-t-il.
A la fin du match, les affrontements continuent, « nous avons attendu 3 ou 4 heures que les supporters se dispersent et que les manifestants s’en aillent. Nous sommes partis en bus vers l’hôtel et il y avait des voitures brûlées. On aurait dit une zone de guerre ».
La Nouvelle-Zélande « a mis plusieurs années à se remettre » de la violence de la tournée, d’après Stu Wilson.
Six ans plus tard, la Nouvelle-Zélande organise la première Coupe du monde de l’histoire. Le Premier ministre néo-zélandais de l’époque, David Lange, encore sous le choc des violences de la tournée de 1981, refusa d’y assister.
© 2023 AFP
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